ASSOCIATION NOTRE-DAME DES NEIGESTRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LYON
n°0404912 M. B M. Besse Rapporteur M. Durand Commissaire du gouvernement Audience du 2 juin 2005 Lecture du 15 juin 2005LA DEMANDE- M. B, demeurant sur la commune de Saint-Pierre de Colombier (07450) a saisi le tribunal d'une requête enregistrée au greffe le 19 juillet 2004. sous le n° 0404912.M. B demande au tribunal d'annuler la délibération en date du 12 juillet 2004 par laquelle le conseil municipal de Saint-Pierre de Colombier a décidé de vendre le presbytère à l'association Notre Dame des Neiges et d'autoriser le maire à signer la promesse synallagmatique de vente.- Par un mémoire enregistré le 11 septembre 2004, M. B maintient ses conclusions et demande en outre l'annulation de la promesse synallagmatique de vente et d'achat du presbytère.- Par un mémoire enregistré le 1er octobre 2004, présenté par Me Champauzac, avocat au barreau de Valence, la commune de Saint-Pierre de Colombier, représentée par son maire, conclut au rejet de la requête et à la condamnation du requérant à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.- Par un mémoire enregistré le 15 octobre 2004, l'association Notre Dame des Neiges conclut au rejet de la requête.- Par un mémoire enregistré le 26 octobre 2004, la commune de Saint-Pierre de Colombier maintient ses précédentes conclusions en demandant en outre la condamnation de M. B à payer une amende de 10 000 euros pour procédure abusive, et à lui verser une somme de 2 000 euros en réparation du préjudice subi.- Par un mémoire enregistré le 15 novembre 2004, M. B maintient ses précédentes conclusions et demande en outre la condamnation de la commune de Saint-Pierre de Colombier à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.- Par des mémoires enregistrés les 29 novembre 2004 et 24 janvier 2005. l'association Notre Dame des Neiges persiste dans ses conclusions tendant au rejet de la requête.- Par des mémoires enregistrés les 21 et 27 janvier 2005, M. B persiste dans ses demandes.- Par des mémoires enregistrés les 2 et 8 février 2005. M. B persiste dans ses conclusions en demandant en outre au tribunal de faire application de l'article L. 2142-1 du code général des collectivités territoriales.La commune de Saint-Pierre de Colombier a produit un mémoire enregistré le 15 février 2005.L'INSTRUCTION DE L'AFFAIREEn application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées, par lettre en date du 24 mai 2005, de ce qu'était susceptible d'être soulevé d'office le moyen tiré de l'incompétence du juge administratif pour connaître des conclusions tendant à l'annulation de la promesse synallagmatique de vente et d'achat du presbytère, laquelle constitue un contrat de droit privé.M. B et la commune de Saint-Pierre de Colombier ont présenté leurs observations en réponse au moyen d'ordre public par deux mémoires enregistrés le 30 mai 2005.En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 février 2005, par ordonnance en date du 7 janvier 2005.L'AUDIENCELes parties ont été régulièrement averties de l'audience publique qui a eu lieu le 2 juin 2005. A cette audience, le tribunal assisté de Mme Baviera, greffière, a entendu :
le rapport de M. Besse, conseiller,
les observations de Me Delhome, substituant Me Champauzac, avocat de la commune de Saint-Pierre de Colombier, de M. B, requérant, et de M. Pinède, président de la l'association Notre Dame des Neiges,
les conclusions de M. Durand, commissaire du gouvernement.
LA DÉCISIONAprès avoir examiné la requête ainsi que les mémoires et les pièces produits par les parties. et vu :- le code général des collectivités territoriales,- le code de justice administrative.Considérant
que, par une délibération en date du 12 juillet 2004. le conseil municipal de Saint-Pierre de Colombier a décidé de vendre le presbytère à l'Association Notre-Dame des Neiges :
que le maire de la commune et le président de ladite association ont signé, le 25 juillet 2004. une promesse synallagmatique de vente et d'achat du presbytère ;
que M. B, conseiller municipal, demande l'annulation de ces deux actes ;
Sur les conclusions dirigées contre la délibération du 12 juillet 2004 :Considérant, en premier lieu,
qu'aux termes de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales : "Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires. " :
que la circonstance que le maire et cinq conseillers municipaux qui ont pris part à la délibération participent régulièrement aux offices religieux et aux processions organisées par l'Institut de la Famille Missionnaire et l'association Famille Domini, auxquelles est liée l'association Notre Dame des Neiges, qui a pour objet de réunir les moyens logistiques nécessaires à leur activité, n'est pas par elle-même de nature à établir qu'ils auraient eu un intérêt à l'affaire, au sens des dispositions précitées, dès lors qu'il est constant qu'ils ne sont membres d'aucune de ces associations ;
que, si M. B fait valoir que M. Fagier, maire de la commune, était membre du conseil paroissial jusqu'en 2003, que Mme V est trésorière d'une association locale de la paroisse, laquelle a une activité distincte desdites associations, que M. L s'occuperait occasionnellement des terrains arborés de l'association, fait au demeurant non établi, que M. P, entrepreneur retraité, avait construit un "important bâtiment" pour l'association, ces faits ne sauraient révéler un intérêt caractérisé de ces personnes à la vente du presbytère à l'association Notre-Dame des Neiges ;
qu'enfin, le fait que le fils d'un des conseillers municipaux présents est membre de l'association Notre-Dame des Neiges ne constitue pas un élément suffisant pour établir l'existence d'un intérêt personnel dudit conseiller à l'affaire :
que, par suite, M. B n'est pas fondé à soutenir que le maire et cinq conseillers municipaux auraient été intéressés à l'affaire, au sens des dispositions précitées, en prenant part à la délibération attaquée ;
Considérant, en deuxième lieu,
qu'aux termes de l'article L. 2121-19 du code général des collectivités territoriales : "Les conseillers municipaux ont le droit d'exposer en séance du conseil des questions orales ayant trait aux affaires de la commune. Dans les communes de 3 500 habitants et plus, le règlement intérieur fixe la fréquence ainsi que les règles de présentation et d'examen de ces questions. A défaut de règlement intérieur, celles-ci sont fixées par une délibération du conseil municipal" ;
qu'il ressort des pièces du dossier que les débats portant sur le presbytère ont débuté à 19 heures 30 pour s'achever plus de trois heures plus tard et que M. B est intervenu très longuement :
que, dans ces conditions. M. B, qui ne peut se prévaloir de la seule méconnaissance des dispositions précitées, lesquelles sont relatives aux questions orales, a pu suffisamment exprimer son opinion sur la vente du presbytère soumise à délibération :
que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à l'expression des élus invoqué par le requérant doit être écarté :
Considérant, en troisième lieu,
qu'aux termes de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales : "Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune ; qui font l'objet d'une délibération." :
qu'il ressort des pièces du dossier que les conseillers municipaux ont reçu, avant la séance du conseil municipal, le rapport d'évaluation du presbytère établi par l'expert, une copie du projet de promesse synallagmatique de vente et d'achat, ainsi que le rapport du maire :
que M. B, qui ne peut utilement se prévaloir, à l'appui de ce moyen, de la circonstance que le rapport d'expertise était lacunaire ou difficilement compréhensible, fait valoir que le maire de Saint-Pierre de Colombier a refusé à trois reprises d'organiser une visite des lieux :
que, toutefois, eu égard aux documents transmis aux conseillers municipaux, et alors que le maire n'était nullement tenu d'organiser une telle visite, ce refus n'a pas été de nature à porter atteinte aux droits et prérogatives permettant aux conseillers municipaux de remplir normalement leur mandat ;
que, par suite, la délibération attaquée n'a pas été prise en méconnaissance des dispositions précitées ;
Considérant, en quatrième lieu, que les conditions de location du presbytère pendant la période antérieure à la délibération attaquée sont sans incidence sur la légalité de ladite délibération ;Considérant, en cinquième lieu,
que le conseil municipal de Saint-Pierre de Colombier a fixé à 304 898 euros le prix de vente du presbytère à l'Association Notre-Dame des Neiges, après négociations, et en tenant compte de la valeur vénale retenue par l'expert désigné par la commune :
que, si, comme le soutient M. B, la valeur vénale du bien devait être fixée en tenant compte de l'état du bien à la date de la vente, et non, comme l'avait demandé initialement le maire de Saint-Pierre de Colombier, en faisant abstraction de tous les travaux d'amélioration du bien réalisés par le locataire, il ressort des pièces du dossier que le prix de vente retenu est supérieur de 120 000 euros environ au prix que proposait l'expert mandaté par la commune ;
que, par ailleurs, l'estimation réalisée par M. B sur la base de méthodes qui seraient inspirées de celles des experts immobiliers, ne repose sur aucun élément précis et n'a aucune valeur probante ;
que, dans ces conditions, M. B n'établit pas qu'en fixant à 304 898 euros le prix de vente du presbytère, le conseil municipal de Saint-Pierre de Colombier a entaché sa délibération d'une erreur manifeste d'appréciation :
Considérant, en sixième lieu,
que, si M. B soutient que le maire de Saint-Pierre de Colombier n'a pas défendu les intérêts de sa commune, ce moyen est dépourvu de précisions suffisantes pour permettre au tribunal d'en apprécier la portée ;
qu'il est, par suite, irrecevable et doit, dès lors, pour ce motif, être rejeté ;
Considérant, en septième lieu, que l'association Notre-Dame des Neiges ne constituant pas une section de commune, au sens des dispositions de l'article L. 2411-1 du code général des collectivités territoriales, le moyen tiré de ce qu'il aurait dû être fait application des dispositions de l'article L. 2411-9 dudit code ne peut qu'être rejeté ;Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B n'est pas fondé à soutenir que la délibération attaquée est entachée d'illégalité et à en demander l'annulation :Sur les conclusions dirigées contre la promesse de vente :Considérant
que l'acte par lequel une commune vend un bien appartenant à son domaine privé est un acte de droit privé ;
que, par suite, les conclusions tendant à l'annulation de la promesse synallagmatique de vente doivent être rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :Considérant
qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative d'ordonner une consultation des électeurs de la commune ;
que, par suite, les conclusions de M. B tendant à l'application des dispositions de l'ancien article L. 2142-1 du code général des collectivités territoriales aujourd'hui codifiées à l'article L. 1112-15 du même code ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions reconventionnelles de la commune de Saint-Pierre de Colombier :Considérant, d'une part,
que la commune de Saint-Pierre de Colombier ne justifie pas avoir subi un préjudice en raison de l'action de M. B ;
que, par suite, les conclusions tendant à la réparation d'un tel préjudice ne peuvent qu'être rejetées :
Considérant, d'autre part, que la faculté d'infliger une amende en cas de requête abusive constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de la commune de Saint-Pierre de Colombier tendant à ce que M. B soit condamné au paiement d'une telle amende ne sont pas recevables et doivent être rejetées ;Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, ù défaut, la partie perdante, a payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, un litre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économie/ne de Ici partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation." :Considérant
que les dispositions précitées s'opposent à ce que M. B, qui succombe dans la présente instance, puisse obtenir le remboursement des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés ;
qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la commune de Saint-Pierre de Colombier présentées sur le même fondement :
le tribunal décide :Article 1" : La requête n° 0404912 de M. B est rejetée.Article 2 : Les conclusions reconventionnelles de la commune de Saint-Pierre de Colombier ainsi que ses conclusions tendant à la condamnation de M. B au paiement des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés sont rejetées.Article 3 : Le présent jugement sera notifié conformément aux dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative.Délibéré à l'issue de l'audience du 2 juin 2005, où siégeaient : - M. Bézard. président. - M. Besse et M. Arnould, assesseurs. Prononcé en audience publique le quinze juin deux mille cinq.