TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE NÎMES N° 2103378 du 9 avril 2024MM. Mathieu et Henri BARLETM. Aymard RapporteurMme Bala (4ème chambre) Rapporteure publiqueVu la procédure suivante :Par une requête et des mémoires, enregistrés les 14 octobre 2021, 19 septembre 2022 et ter septembre 2023, M. Mathieu Barlet et M. Henri Barlet, représentés pas l'AARPI Publica Avocats, demandent au tribunal :
1°) d'annuler la décision portant rejet de leur demande formée le 20 juin 2021 tendant à l'attribution de parcelles de la section de commune de Saint Amans ;
2°) d'enjoindre à la commune de Monts-de-Randon et à la section de commune de Saint Amans de leur attribuer les parcelles sollicitées dans le délai d'un mois à compter du jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Monts-de-Randon et de la section de commune de Saint Amans la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
la décision attaquée est entachée d'un défaut de motivation ;
la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales ;
la décision attaquée méconnaît le principe d'égalité ;
la fin de non-recevoir invoquée en défense est infondée.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 mai 2022, 13 juin 2023 et 23 janvier 2024, la commune de Monts-de-Randon et la section de commune de Saint Amans, représentées par la SCP Teillot & Associés, concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.Elles font valoir que :
la présente requête est irrecevable dès lors que la décision attaquée présente un caractère confirmatif ;
les moyens soulevés par les requérants sont inopérants ou infondés.
Vu les autres pièces du dossier.Vu
le code général des collectivités territoriales ;
le code rural et de la pêche maritime ;
le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.Ont été entendus, au cours de l'audience publique :
le rapport de M. Aymard,
les conclusions de Mme Bala, rapporteure publique,
les observations de Me Maisonneuve représentant la commune de Monts-de-Randon et la section de commune de Saint Amans.
Considérant ce qui suit :1. M. Mathieu Barlet et M. Henri Barlet, qui sont les deux associés du GAEC Le Chazal, ont sollicité, par un courrier du 20 juin 2021 adressé au maire de la commune de Monts-de-Randon, l'attribution des parcelles n° A 1001, B 200-214, B 231, B 670 et B 672 de la section de commune de Saint Amans. La commune de Monts-de-Randon n'a pas répondu à cette demande, ce qui a fait naître le 20 août 2021 une décision implicite de rejet, dont MM. Barlet demandent l'annulation.Sur la fin de non-recevoir opposée en défense :2. La commune de Monts-de-Randon et la section de commune de Saint Amans font valoir que la décision attaquée présente un caractère confirmatif, dès lors que MM. Barlet avaient formé le 4 décembre 2020 une première demande d'attribution de parcelles et que le refus opposé à cette demande, né le 4 février 2021 du silence gardé par l'administration, est devenu définitif en l'absence de recours contentieux. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la demande du 20 juin 2021 à l'origine du présent litige, qui porte sur les parcelles n° A 1001, B 200-214, B 231, B 670 et B 672 de la section de commune de Saint Amans, présente un objet distinct de celui de la demande précédemment formulée le 4 décembre 2020, laquelle ne concernait que la parcelle B 200 de la section de commune précitée. Eu égard à la différence d'objet entre les demandes des 4 décembre 2020 et 20 juin 2021, la décision attaquée ne présente pas un caractère confirmatif de la décision du 4 février 2021. Il suit de là que la fin de non-recevoir opposée en défense doit être rejetée.Sur les conclusions à fin d'annulation :3. Aux termes de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales : " Les membres de la section ont, dans les conditions résultant soit des décisions des autorités municipales, soit des usages locaux, la jouissance de ceux des biens de la section dont les fruits sont perçus en nature, à l'exclusion de tout revenu en espèces. /Les terres à vocation agricole ou pastorale propriétés de la section sont attribuées par bail rural ou par convention pluriannuelle d'exploitation agricole ou de pâturage conclue dans les conditions prévues à l'article L. 481-1 du code rural et de la pêche maritime ou par convention de mise à disposition d'une société d'aménagement foncier et d'établissement rural : / 1° Au profit des exploitants agricoles ayant leur domicile réel et fixe, un bâtiment d'exploitation et le siège de leur exploitation sur le territoire de la section et exploitant des biens agricoles sur celui-ci ; et, si l'autorité compétente en décide, au profit d'exploitants agricoles ayant un bâtiment d'exploitation hébergeant, pendant la période hivernale, leurs animaux sur le territoire de la section conformément au règlement d'attribution et exploitant des biens agricoles sur ledit territoire ; / 2° A défaut, au profit des exploitants agricoles utilisant des biens agricoles sur le territoire de la section et ayant un domicile réel et fixe sur le territoire de la commune ; / 3° A titre subsidiaire, au profit des exploitants agricoles utilisant des biens agricoles sur le territoire de la section ; / 4° Lorsque cela est possible, au profit de l'installation d'exploitations nouvelles. / Si l'exploitation est mise en valeur sous forme de société civile à objet agricole, les biens de section sont attribués soit à chacun des associés exploitants, dès lors qu'ils remplissent les conditions définies par l'autorité compétente, soit à la société elle-même. / Pour toutes les catégories précitées, les exploitants devront remplir les conditions prévues par les articles L. 331-2 à L. 331-5 du code rural et de la pêche maritime et celles prévues par le règlement d'attribution défini par le conseil municipal. / Le fait de ne plus remplir les conditions retenues par l'autorité compétente au moment de l'attribution entraîne la résiliation du bail rural ou de la convention pluriannuelle d'exploitation agricole ou de pâturage, notifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, avec application d'un préavis minimal de six mois. / L'ensemble de ces dispositions, qui concerne les usages agricoles et pastoraux des biens de section, ne fait pas obstacle au maintien, pour les membres de la section non agriculteurs, des droits et usages traditionnels tels que l'affouage, la cueillette ou la chasse. /Les revenus en espèces ne peuvent être employés que dans l'intérêt de la section. Ils sont affectés prioritairement à la mise en valeur et à l'entretien des biens de la section ainsi qu'aux équipements reconnus nécessaires à cette fin par la commission syndicale. "4. Un GAEC, société civile de personnes dotée d'une personnalité morale distincte de celle de ses associés, régie par les dispositions des articles L. 323-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime, constitue un exploitant agricole, auquel peuvent être attribuées des terres à vocation agricole ou pastorale propriétés d'une section de commune en application des dispositions précitées de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales. Lorsqu'un GAEC est créé pour gérer une exploitation agricole, c'est le groupement qui est attributaire de terres au titre de cette exploitation, et le respect des critères d'attribution des terres doit alors être apprécié au regard de la situation du seul GAEC, dont le siège doit être regardé comme le domicile réel et fixe au sens de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales. Lorsqu'un associé d'un GAEC conserve une activité agricole en dehors du périmètre du GAEC, en qualité d'exploitant agricole à titre individuel, il peut demander à ce titre l'attribution de terres en application de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales et les critères d'attribution sont alors appréciés au regard de sa situation personnelle et de celle de son exploitation individuelle. Quand une demande d'attribution de terres est présentée, il appartient à la section puis, le cas échéant, au juge, de rechercher, compte tenu des informations qui sont fournies au soutien de cette demande, notamment du siège de l'exploitation qui y est mentionné, si la demande doit être regardée comme présentée au nom de l'exploitation individuelle ou au nom du GAEC et, si la demande est présentée au nom du GAEC, il appartient à la section puis, le cas échéant, au juge, de requalifier en ce sens la demande.5. D'une part, dès lors que la demande du 20 juin 2021 à l'origine de la décision attaquée comporte le tampon du GAEC Le Chazal, dont les associés sont M. Mathieu Barlet et M. Henri Barlet et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ces derniers exerceraient une activité agricole en dehors de ce GAEC, la demande du 20 juin 2021 doit être regardée comme établie au nom du GAEC Le Chazal.6. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le siège du GAEC Le Chazal, qui doit être regardé comme son domicile réel et fixe au sens de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales, se situe au lieu-dit le Chazal sur le territoire de la commune de Saint-Amans, laquelle a fusionné en 2019 au sein de la commune de Monts-de-Randon. Par ailleurs, le GAEC Le Chazal justifie par les pièces produites à l'instance, dont le contenu n'est pas contesté en réplique, de l'utilisation de biens agricoles sur le territoire de la section de Saint-Amans eu égard à l'exploitation de parcelles situées sur ce territoire.7. Il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que le GAEC Le Chazal répond aux conditions du 2° de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales et que la commune de Monts-de-Randon a ainsi méconnu les dispositions de cet article. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la décision attaquée en date du 20 juin 2021 doit être annulée.Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte:8. Dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que les parcelles en cause seraient occupées par un exploitant de rang 1, ni qu'un tel exploitant agricole remplirait les conditions du 1° de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales, il y a lieu d'enjoindre à la section de commune de Saint Amans de réexaminer, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, la demande du GAEC Le Chazal en tenant compte du motif retenu au point 7 et des circonstances de droit ou de fait applicables à la date de la décision à venir. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.Sur les frais liés au litige :9. Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.DECIDE:Article 1er : La décision portant rejet de la demande formée le 20 juin 2021 par le GAEC Le Chazal est annulée.Article 2 : Il y a lieu d'enjoindre à la section de commune de Saint Amans de réexaminer, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, la demande du GAEC Le Chazal en tenant compte du motif retenu au point 7 du présent jugement et des circonstances de droit ou de fait applicables à la date de la décision à venir.Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. Mathieu Barlet, à M. Henri Barlet, à la commune de Monts-de-Randon et à la section de commune de Saint Amans.Délibéré après l'audience du 26 mars 2024, à laquelle siégeaient :