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SECTION DE ESPINAS
TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE NIMES TA NÎMESN° 1601074 du 13 février 2018M. GAUTUN et autresCMme Héry RapporteurMme Achour Rapporteur publicVu la procédure suivante :Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 mars 2016 et le 29 juin 2017, M. Jean-Claude Gautun, Mme Françoise de Paulou épouse Techer, Mme Dominique Veillet épouse Goujard et M. Jean Brager demandent au tribunal : - 1°) d’annuler la délibération n° 2012-02 du 18 février 2016 par laquelle le conseil municipal de la commune de Servières a approuvé la conclusion d’un bail emphytéotique entre la société EDF-EN France et les habitants du hameau de l’Espinas ;
- 2°) préventivement, d’ordonner à l’administration de tenir pour frappée de nullité cette délibération.
Les requérants soutiennent que : - la délibération a été prise en méconnaissance des dispositions de l’article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales, dès lors que trois conseillers municipaux étaient intéressés à l’affaire ;
- elle méconnait également l’article 2 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique et l’article L. 1111-1-1 du code général des collectivités territoriales ;
- les dispositions de l’article L. 2411-9 du code général des collectivités territoriales auraient dû être mises en œuvre ;
- la commune ne peut se prévaloir utilement de la circonstance qu’elle ne reverserait pas les ressources de la section à ses membres ;
- les dispositions de l’article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ont été violées, les informations données aux conseillers municipaux étant erronées ;
- l’office national des forêts aurait dû être associé à la conclusion du bail emphytéotique ;
- le montant du loyer portant sur le poste de livraison est inférieur à celui fixé pour le projet précédent en 2005.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 avril 2017 et le 21 décembre 2017, la commune de Servières conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 2 000 euros soit mise à la charge solidaire des requérants au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.Elle soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.Les parties ont été informées le 9 janvier 2018, en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement est susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office, tiré de l’incompétence du conseil municipal pour se prononcer, au nom de la section de commune de L’Espinas, sur la conclusion d’un bail emphytéotique avec la société EDF-EN FRANCE, les dispositions de l’article L. 2411-6 du code général des collectivités territoriales donnant une compétence exclusive à la commission syndicale pour délibérer sur la vente, l’échange ou la location, pour neuf ans et plus, des biens de la section, en l’absence de justification que l’absence de constitution de la commission syndicale résulterait d’une des conditions posées par l’article L. 2411-5 du code général des collectivités territoriales.Par un mémoire, enregistré le 12 janvier 2018, la commune de Servières a répondu au moyen d’ordre public, en soutenant que le conseil municipal était compétent pour adopter la délibération en litige.Par des mémoires, enregistrés le 12 janvier 2018 et le 25 janvier 2018, la société EDF EN FRANCE a répondu au moyen d’ordre public, en soutenant que le conseil municipal était compétent pour adopter la délibération en litige.Par un mémoire, enregistré le 25 janvier 2018, les requérants ont répondu au moyen d’ordre public, en soutenant que le moyen d’ordre public est fondé.Vu les autres pièces du dossier.Vu : - le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l’audience publique : - le rapport de Mme Héry,
- les conclusions de Mme Achour, rapporteur public,
- les observations de Me Pradier, représentant la commune de Servières, et les observations de Me Jacquier, représentant la société EDF-EN FRANCE.
Une note en délibéré présentée par M. Gautun a été enregistrée le 5 février 2018.1. Considérant - que, par délibération du 18 février 2016, le conseil municipal de la commune de Servières a émis un avis favorable au projet d’implantation de cinq éoliennes et d’un poste de livraison sur la parcelle cadastrée E3 située dans la section de commune de L’Espinal ;
- que, par cette même délibération, le conseil municipal a autorisé le défrichement des emprises nécessaires à la réalisation de ce projet, le renouvellement de la promesse de bail emphytéotique conclue le 26 mars 2012 avec EDF-EN FRANCE, porteur du projet et, enfin, a autorisé le maire de la commune à signer avec cette société tout document permettant l’avancement de ce projet, dans la mesure où il en informe le conseil municipal ;
- que compte tenu de leurs écritures, les requérants, conseillers municipaux, doivent être regardés comme demandant l’annulation de cette délibération en tant qu’elle comporte implicitement autorisation du maire à conclure un bail emphytéotique ;
Sur les conclusions à fin d’annulation :2. Considérant - qu’aux termes de l’article L. 2411-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT) : " La gestion des biens et droits de la section est assurée par le conseil municipal et par le maire./ Lorsqu’elle est constituée en application de l’article L. 2411-3, la commission syndicale et son président exercent la fonction de gestion prévues au I de l’article L. 2411-6 (…) " ;
- qu’aux termes de l’article L. 2411-5 du même code : " La commission syndicale n’est pas constituée et ses prérogatives sont exercées par le conseil municipal (…) lorsque :/ 1° Le nombre des électeurs appelés à désigner ses membres est inférieur à vingt ;/ 2° La moitié au moins des électeurs n’a pas répondu à deux convocations successives du représentant de l’Etat dans le département faites à un intervalle de deux mois ;/ 3° Les revenus ou produits annuels des biens de la section sont inférieurs à 2 000 € de revenu cadastral, à l’exclusion de tout revenu réel (…) " ;
- qu’aux termes de l’article L. 2411-6 de ce code : " I. - Sous réserve des dispositions de l’article L. 2411-15, la commission syndicale délibère sur les objets suivants :/ (…) 2° Vente, échange et location pour neuf ans ou plus de biens de la section (…)/ II. - Le conseil municipal est compétent pour délibérer sur les objets suivants :/ (…) 2° Location de biens de la section consentie pour une durée inférieure à neuf ans (…) " ;
3. Considérant - qu’il ressort des pièces du dossier que les revenus des biens de la section sont inférieurs à 2 000 euros de revenu cadastral ;
- que, par suite, en l’absence de constitution d’une commission syndicale, le conseil municipal était compétent, en application des dispositions précitées de l’article L. 2411-5 du code général des collectivités territoriales, pour délibérer sur le principe de conclusion d’un bail emphytéotique avec la société EDF-EN FRANCE, d’une durée de 40 ans, renouvelable par période de 10 ans ;
4. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales (CGCT) : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d’être informé des affaires de la commune qui font l’objet d’une délibération. " ;5. Considérant - que si les requérants soutiennent que les documents graphiques portant sur l’emplacement des éoliennes communiqués aux conseillers municipaux diffèrent de ceux annexés à la demande de permis de construire et à l’étude d’impact réalisée dans le cadre d’une enquête publique, les documents qu’ils produisent à l’appui de ce moyen ne permettent pas d’établir un tel manquement ;
- que, par suite, le moyen tiré du caractère erroné des informations données aux conseillers municipaux doit être écarté ;
6. Considérant, en deuxième lieu, - qu’aux termes de l’article L. 2131-11 du CGCT : " Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l’affaire qui en fait l’objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires. " ;
- que l’article L. 2411-9 du même code dispose : " Lorsqu’un conseil municipal se trouve réduit à moins du tiers de ses membres, par suite de l’abstention, prescrite par l’article L. 2131-11, des conseillers municipaux qui sont intéressés à la jouissance des biens et droits revendiqués par une section, les conseillers tenus à l’abstention sont remplacés par un nombre égal de citoyens tirés au sort par le représentant de l’Etat dans le département parmi les personnes inscrites sur les listes électorales de la commune, à l’exception des membres de la section. " ;
7. Considérant - qu’ainsi qu’il a été dit au point 3, la délibération en litige a été prise, conformément aux dispositions précitées de l’article L. 2411-5 du code général des collectivités territoriales, par le conseil municipal, lequel, en l’absence de constitution d’une commission syndicale, a exercé les prérogatives de cette dernière ;
- que, dès lors que le conseil municipal a ainsi agi au nom de la section, les conseillers municipaux membres de cette section n’avaient pas un intérêt distinct de celle-ci ;
- que, par ailleurs, le principe de la conclusion d’un bail ne pouvant être regardé comme portant sur la jouissance de biens et droits revendiqués par la section au sens de l’article L. 2411-9 du même code, ces conseillers municipaux n’étaient pas tenus de s’abstenir de siéger à la séance du conseil municipal ;
8. Considérant, en troisième lieu, - qu’aux termes de l’article L. 1111-1-1 du CGCT : " Les élus locaux sont les membres des conseils élus au suffrage universel pour administrer librement les collectivités territoriales dans les conditions prévues par la loi. Ils exercent leur mandat dans le respect des principes déontologiques consacrés par la présente charte de l’élu local (…) " ;
- que selon l’article 2 de la charte de l’élu local : " Dans l’exercice de son mandat, l’élu local poursuit le seul intérêt général, à l’exclusion de tout intérêt qui lui soit personnel, directement ou indirectement, ou de tout autre intérêt particulier " ;
- qu’en application de l’article 3 de cette charte : " L’élu local veille à prévenir ou à faire cesser immédiatement tout conflit d’intérêts. Lorsque ses intérêts personnels sont en cause dans les affaires soumises à l’organe délibérant dont il est membre, l’élu local s’engage à les faire connaître avant le débat et le vote. " ;
9. Considérant - que l’article L. 2411-10 du CGCT exclut la possibilité pour les membres de la section de percevoir des revenus en espèce tirés de son exploitation, de tels revenus ne pouvant être employés que dans l’intérêt de ses membres et affectés en priorité à la mise en valeur et à l’entretien des biens de la section ainsi qu’aux équipements nécessaires à cette fin ;
- que les éventuelles ressources en nature tirées des opérations liées au défrichement des parcelles destinées à l’implantation des éoliennes seront, en application de ces principes, nécessairement réparties entre l’ensemble des membres de la section et non au seul bénéfice des trois conseillers municipaux ;
- que, par suite, le moyen tiré de ce que les conseillers municipaux en cause auraient méconnu les dispositions précitées de l’article L. 1111-1-1 du CGCT doit être écarté ;
10. Considérant, en quatrième lieu, - qu’aux termes de l’article 2 de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique : " (…) constitue un conflit d’intérêts toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou à paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction (…) " ;
- que pour les motifs qui viennent d’être exposés, il ne ressort pas des pièces du dossier que les conseillers municipaux, par ailleurs membres de la section, ayant pris part à l’adoption de la délibération en litige, se seraient trouvés en situation de conflit d’intérêts ;
- que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté ;
11. Considérant, en dernier lieu, que les requérants, dont les conclusions tendent à l’annulation de la délibération en litige uniquement en tant qu’elle autorise le principe de conclusion d’un bail emphytéotique, ne peuvent utilement se prévaloir de l’absence de mise en œuvre d’un budget spécifique à la section de commune, de l’absence de consultation de l’office national des forêts préalablement à la conclusion du bail ou de l’évolution du montant du loyer assorti à ce bail ;12. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation susvisées doivent être rejetées ;Sur les conclusions à fin d’injonction :13. Considérant - que le présent jugement ne nécessite aucune mesure d’exécution au regard des dispositions des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative ;
- que, par suite, les conclusions susvisées des requérants à fin d’injonction doivent, en tout état de cause, être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :14. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Servières tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;DECIDE :Article 1er : La requête est rejetée.Article 2 : Les conclusions de la commune de Servières tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. Jean-Claude Gautun, à Mme Françoise de Paulou épouse Techer, à Mme Dominique Veillet épouse Goujard, à M. Jean Brager, à la commune de Servières et à la société EDF-EN FRANCE

LERMONT-FERRAND SECTION DE VERNINES