SECTIONS DES AYES, DE FRIDEROCHE, DE L'HOPITAL, DE MALVIEILLE ET DU MASCOUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON
n° 14LY00315 du 21 avril 2015 Inédit au recueil Lebon M. MARTIN, président, Mme Catherine COURRET, rapporteur, M. CLEMENT, rapporteur public TEILLOT & ASSOCIES, avocat(s)Vu la requête, enregistrée le 5 février 2014, présentée pour la commune de Chambon-sur-Dolore, représentée par son maire ; la commune de Chambon-sur-Dolore demande à la Cour :
1°) d’annuler le jugement n° 1200435 du 3 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé, sur déféré du préfet du Puy-de-Dôme, la délibération du 25 novembre 2011 par laquelle son conseil municipal a procédé à la répartition du produit des coupes de bois de l’année 2010 entre les ayants droit des sections de commune des Ayes, de Frideroche, de L’Hôpital, de Malvieille et du Mas ;
2°) de rejeter le déféré du préfet du Puy-de-Dôme ;
3°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;
elle soutient que :
les dispositions de l’article L. 2411-10 du code général des collectivités locales n’interdisent pas le partage des revenus entre ayants droit de section ;
le partage du produit de biens de la section de commune entre les ayants droit résulte d’un usage local qui est établi depuis de nombreuses années ;
il convient de se référer aux dispositions de l’article 542 du Code civil qui prévoit que les ayants-droit disposent d’un droit acquis sur les produits de la section quelle que soit leur nature ;
cet article autorise donc le partage des revenus en espèces ;
le tribunal administratif s’est livré à une mauvaise appréciation des faits en écartant au cas d’espèce l’application des dispositions de l’article L. 243-3 du code forestier qui permet la distribution aux ayants droit du produit des ventes d’affouage ;
la délibération en litige a réparti entre les affouagistes de la section une somme qui correspond au produit de la vente de la coupe de bois pour l’affouage qui appartient à la section ;
dès lors, le conseil municipal n’a fait qu’exercer son pouvoir souverain au regard de l’article L. 243-3 précité ;
la circonstance qu’elle s’est également fondée sur les difficultés financières des ayants droit est sans incidence sur la légalité de la délibération ;
Vu le jugement attaqué ;Vu la mise en demeure adressée le 1er avril 2014 au préfet du Puy-de-Dôme, en application de l’article R. 612-3 du code de justice administrative, et l’avis de réception de cette mise en demeure ;Vu l’ordonnance du 1er avril 2014 fixant la clôture d’instruction au 16 mai 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2014, présenté par le préfet du Puy-de-Dôme qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que :
le juge administratif est compétent pour examiner la légalité d’une délibération au regard de l’article 432-12 du code pénal ;
les conseillers municipaux qui ont participé au vote avaient un intérêt particulier avéré en ce qu’ils étaient bénéficiaires des revenus tirés des coupes de bois ;
les ayants droit affouagistes disposent uniquement d’un droit de jouissance ;
le partage en espèces du revenu tiré de l’affouage est prohibé par les articles L. 2411-10 et L. 2411-15 du code général des collectivités territoriales ;
cet état du droit n’a été modifié ni par la jurisprudence, ni par l’article L. 145-3 du code forestier ;
une simple coupe de bois destinée à la vente ne peut être considérée comme un affouage tel qu’il est défini dans le code forestier ;
Vu le mémoire, enregistré le 16 mai 2014, présenté pour la commune de Chambon-sur-Dolore qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ; elle soutient, en outre, que :
le conseil municipal a approuvé le partage des revenus en espèces entre les ayants droit de cinq sections de commune différentes ;
les conseillers municipaux ne sont pas ayants droit de l’ensemble des sections de commune et ne sont donc pas intéressés au partage de revenus en espèces de toutes les sections de commune ;
la participation de ces conseillers n’a eu aucune influence sur la délibération ;
le Conseil d’Etat a jugé que le conseil municipal a la faculté de répartir le produit de la vente entre les titulaires de l’affouage ;
la délibération prévoyait expressément la répartition des coupes affouagistes aux ayants droit ;
les pièces versées au dossier n’établissent pas que les revenus partagés ne proviendraient pas des coupes réalisées pour la satisfaction de besoins ruraux ou domestiques ;
Vu l’ordonnance du 20 mai 2014 portant réouverture de l’instruction en application de l’article R. 613-4 du code de justice administrative ;Vu le mémoire, enregistré le 6 octobre 2014, présenté par le préfet du Puy-de-Dôme qui conclut aux mêmes fins que précédemment ; il soutient, en outre, que :
la délibération contesté ne satisfait pas aux conditions de l’affouage telles qu’elles sont définies par le code forestier ;
une délibération définissant les formes et les quantités de l’affouage ainsi que le mode de partage aurait dû être adressée à l’Office national des forêts préalablement au lancement de la procédure ;
le bois d’affouage destiné à satisfaire des besoins ruraux ou domestiques est constitué essentiellement de feuillus et de ligneux de seconde qualité, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ;
le conseil municipal de la commune a validé des coupes de bois destinées à des professionnels et non des coupes affouagères destinées aux besoins ruraux ou domestiques des ayants droit de la section ;
Vu les autres pièces du dossier ;Vu le code forestier ;Vu le code général des collectivités territoriales ;Vu le code de justice administrative ;Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ; Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 31 mars 2015 :
le rapport de Mme Courret, président-assesseur ;
les conclusions de M. Clément, rapporteur public ;
et les observations de Me A..., représentant la commune de Chambon-sur-Dolore ;
Considérant
que par une délibération du 25 novembre 2011, le conseil municipal de Chambon-sur-Dolore a procédé à la répartition du produit des coupes de bois de l’année 2010 entre les ayants droit des sections de commune des Ayes, de Frideroche, de L’Hôpital, de Malvieille et du Mas ;
que le préfet du Puy-de-Dôme a déféré cette délibération au tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
que la commune de Chambon-sur-Dolore relève appel du jugement du 3 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé cette délibération ;
Considérant, d’une part,
qu’aux termes de l’article L. 2411-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " Constitue une section de commune toute partie d’une commune possédant à titre permanent et exclusif des biens ou des droits distincts de ceux de la commune. / La section de commune a la personnalité juridique. " ;
qu’aux termes de l’article L. 2411-10 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Les membres de la section ont, dans les conditions résultant soit des décisions des autorités municipales, soit des usages locaux, la jouissance de ceux des biens de la section dont les fruits sont perçus en nature. / Les terres à vocation agricole ou pastorale propriétés de la section sont attribuées par bail rural ou par convention pluriannuelle de pâturage conclue dans les conditions prévues à l’article L. 481-1 du code rural ou par convention de mise à disposition d’une société d’aménagement foncier et d’établissement rural au profit des exploitants agricoles ayant un domicile réel et fixe, ainsi que le siège d’exploitation sur la section. L’autorité municipale peut attribuer, le cas échéant, le reliquat de ces biens au profit d’exploitants agricoles sur la section ayant un bâtiment d’exploitation hébergeant pendant la période hivernale leurs animaux sur la section, ou à défaut au profit de personnes exploitant des biens sur le territoire de la section et résidant sur le territoire de la commune ; à titre subsidiaire, elle peut attribuer ce reliquat au profit de personnes exploitant seulement des biens sur le territoire de la section ou, à défaut, au profit des exploitants ayant un bâtiment d’exploitation sur le territoire de la commune. / (...) L’ensemble de ces dispositions, qui concerne les usages agricoles et pastoraux des biens de section, ne fait pas obstacle au maintien, pour les ayants droit non-agriculteurs, des droits et usages traditionnels tels que l’affouage, la cueillette, la chasse notamment, dans le respect de la multifonctionnalité de l’espace rural. / Chaque fois que possible, il sera constitué une réserve foncière destinée à permettre ou faciliter de nouvelles installations agricoles. / Les revenus en espèces ne peuvent être employés que dans l’intérêt des membres de la section. Ils sont affectés prioritairement à la mise en valeur et à l’entretien des biens de la section ainsi qu’aux équipements reconnus nécessaires à cette fin par la commission syndicale. " ;
Considérant, d’autre part,
qu’aux termes de l’article L. 145-1 du code forestier alors en vigueur : " Pour chaque coupe des forêts des communes et sections de commune, le conseil municipal (...) peut décider d’affecter tout ou partie du produit de la coupe au partage en nature entre les bénéficiaires de l’affouage pour la satisfaction de leurs besoins ruraux ou domestiques, sous réserve de la possibilité, pour ces bénéficiaires, de ne vendre que les bois de chauffage qui leur ont été délivrés en nature / Les bois non destinés au partage en nature sont vendus par les soins de l’Office national des forêts dans les conditions prévues au chapitre IV du présent titre. L’Office délivre les bois au vu d’une délibération du conseil municipal déterminant le mode de partage choisi en application de l’article L. 145-2 ainsi que les délais et les modalités d’exécution et de financement de l’exploitation. (...). " ;
qu’aux termes de l’article L. 145-2 du même code : " S’il n’y a titre contraire, le partage de l’affouage, qu’il s’agisse des bois de chauffage ou des bois de construction, se fait de l’une des trois manières suivantes : / 1° Ou bien par feu, c’est-à-dire par chef de famille ou de ménage ayant domicile réel et fixe dans la commune avant la publication du rôle ; / 2° Ou bien moitié par chef de famille ou de ménage et moitié par tête d’habitant remplissant les mêmes conditions de domicile. / (...) ; / 3° Ou bien par tête d’habitant ayant domicile réel et fixe dans la commune avant publication du rôle Chaque année, dans la session de printemps, le conseil municipal détermine lequel de ces trois modes de partage sera appliqué. " ;
qu’aux termes du troisième alinéa de l’article L. 145-3 du même code, dans sa rédaction applicable à la date de la délibération litigieuse : " Le conseil municipal peut aussi décider la vente de tout ou partie de l’affouage au profit de la caisse communale ou des affouagistes (...) par les soins de l’Office national des forêts. " ;
qu’aux termes de l’article R. 145-2 dudit code : " Les communes font connaître en temps opportun à l’Office national des forêts la quantité de bois qui leur est nécessaire tant pour le chauffage que pour la construction et les réparations. (...) " ;
Considérant qu’il résulte de l’ensemble des dispositions citées ci-dessus
qu’une section de commune est une personne morale de droit public qui possède à titre permanent et exclusif des biens ou des droits distincts de ceux de la commune ;
que, si les membres de la section ont, dans les conditions résultant soit des décisions des autorités municipales, soit des usages locaux, la jouissance de ceux des biens de la section dont les fruits sont perçus en nature, ils ne sont pas titulaires d’un droit de propriété sur ces biens ou ces droits ;
qu’ainsi la section de commune dont les revenus en espèces doivent être employés dans son intérêt exclusif ne peut, en principe, les redistribuer entre ses ayants-droit, à l’exception, lorsque cette section est propriétaire de bois soumis à l’affouage, du produit de la vente de tout ou partie de cet affouage ;
que le partage de l’affouage concerne la coupe de bois destinée à la satisfaction des besoins ruraux ou domestiques, bois de chauffage, de construction ou de réparation, des bénéficiaires de l’affouage ;
qu’ainsi, le conseil municipal, après avoir préalablement fixé le mode de partage et la quantité de bois destinée à l’affouage, quantité portée à la connaissance de l’Office national des forêts chargé de la coupe, peut partager le produit de la vente de l’affouage aux ayants droit de la section de commune ;
Considérant
que par une délibération du 25 novembre 2011, le conseil municipal de Chambon-sur-Dolore a décidé de répartir le produit des coupes de bois de l’année 2010 entre les ayants droit affouagistes des sections de commune des Ayes, de Frideroche, de L’Hôpital, de Malvieille et du Mas, conformément au rôle établi le 8 mai 2010 pour un montant total de 69 683 euros ;
que cette délibération mentionne que " ce revenu attendu par nos administrés devient indispensable à ceux, de plus en plus nombreux, qui connaissent des difficultés sans cesse croissantes pour faire face aux dépenses incompressibles de la vie courante. Composé en majorité de retraités agricoles, ils bénéficient d’une pension très modeste. " ;
que si la commune fait référence à une délibération du 11 mars 2011 qui aurait précisé la destination des coupes et indiqué les modalités de partage, ces éléments sont relatifs aux coupes de l’exercice 2011 ;
qu’en outre, des fiches établies par l’Office national des forêts, produites pour la première fois en appel, font état de coupes de bois qui par leur quantité, leurs essences et le diamètre des bois ne peuvent être considérées comme des bois correspondant aux besoins ruraux et domestiques des ayants-droit ;
qu’ainsi, comme le soutient le préfet du Puy-de-Dôme, et même si la délibération attaquée fait référence aux ayants droit affouagistes, le conseil municipal n’avait préalablement fixé ni le mode de partage, ni la quantité de bois destinée à l’affouage ;
que, par suite, la délibération litigieuse ne peut être regardée que comme ayant partagé des revenus d’une coupe de bois et non de coupes délivrées pour l’affouage ;
que, dès lors, le conseil municipal de Chambon-sur-Dolore ne pouvait procéder au partage de ses revenus ;
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la commune de Chambon-sur-Dolore, n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé pour ce motif sa délibération du 25 novembre 2011 ; que par voie de conséquence, ses conclusions de mise à la charge de l’Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées ;DECIDE :Article 1er : La requête de la commune de Chambon-sur-Dolore est rejetée.Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Chambon-sur-Dolore et au ministre de l’intérieur.Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
SECTIONS DES AYES, DE FRIDEROCHE, DE L'HOPITAL, DE MALVIEILLE ET DU MASTRIBUNAL ADMINISTRATIF DE CLERMONT-FERRAND
N° 1200435 Préfet du Puy-de-Dôme M. L’hirondel, Rapporteur M. Chacot, Rapporteur public Audience du 19 novembre 2013 Lecture du 3 décembre 2013
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand (1ère Chambre)
135-02-02-03-01 CVu la requête, enregistrée le 7 mars 2012, présentée par le préfet du Puy-de-Dôme qui demande au tribunal d’annuler la délibération en date du 25 novembre 2011 par laquelle le conseil municipal de Chambon-sur-Dolore a procédé à la répartition du produit des coupes de bois de l’année 2010 entre les ayants droit des sections de commune des Ayes, de Frideroche, de L'Hôpital, de Malvieille et du Mas ; Il soutient que :
Au titre de la légalité externe,
la délibération attaquée a été adoptée irrégulièrement compte tenu des erreurs contenues dans la décision portant sur le nombre des conseillers présents et absents lors de la séance ;
qu’elle est également illégale en méconnaissance des dispositions de l'article L.2131-11 du code général des collectivités territoriales en raison de la participation de conseillers municipaux intéressés ;
qu’en outre, la délibération est entachée d’une prise illégale d’intérêts puisque des conseillers municipaux sont ayants droit d’autres sections de commune ;
Au titre de la légalité interne,
une section de commune dispose, en application de l’article L.2411-1 du code général des collectivités territoriales, d’une personnalité juridique propre de sorte que les biens appartiennent non pas aux ayants droit mais à ladite section ;
que selon les dispositions de l'article L.2411-10 du même code dans sa rédaction alors applicable, les revenus en espèce ne peuvent être employés que dans l’intérêt de la section de commune ;
que la délibération attaquée n’affecte que partiellement les revenus tirés de la coupe des bois à la mise en valeur et à l’entretien des biens de la section ;
qu’il n’est pas établi que ces ressources aient été utilisées de façon optimale ;
qu’elle méconnaît ainsi, comme l’a jugé la cour administrative d'appel de Lyon dans un arrêt du 2 août 2011, le principe faisant interdiction aux personnes publiques d’accorder des libéralités aux personnes privées ;
Vu la mise en demeure adressée le 25 mai 2012 à la commune de Chambon-sur-Dolore, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ; Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2012, présenté pour la commune de Chambon-sur-Dolore, représentée par son maire en exercice, agissant pour le compte des sections de commune des Ayes, de Frideroche, de L'Hôpital, de Malvieille et du Mas par la SCP Teillot Maisonneuve Gatignol Jean Fageole ; la commune de Chambon-sur-Dolore conclut au rejet de la requête et à ce que l’Etat lui verse une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ; Elle fait valoir que :
Sur le moyen de légalité externe : si plusieurs conseillers municipaux sont également ayants droit de certaines sections de commune, ils ne peuvent l’être de plusieurs de ces sections, de sorte qu’ils ne sont pas intéressés au partage des revenus de l’ensemble des sections de commune ; qu’en l’espèce, la présence contestée des conseillers municipaux n’a pus avoir une influence déterminante lors de l’approbation du partage des revenus ; que l’erreur matérielle constatée sur l’extrait de la délibération ne saurait justifier l’annulation de l’acte attaqué ;
Sur le moyen de légalité interne :
Le préfet ne saurait se fonder sur l’arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon qu’il cite dès lors que cet arrêt n’est pas définitif et n’est, en tout état de cause, pas applicable au cas d’espèce ;
La coutume à pleinement vocation à s’appliquer dès lors que les dispositions de l'article L.2411-10 du code général des collectivités territoriales ne prohibent pas le partage de revenus entre ayants droit mais prévoit expressément, au contraire, que les membres de la section ont, dans les conditions résultant soit des décisions des autorités municipales, soit des usages locaux, la jouissance de ceux des biens de la section dont les fruits sont perçus en nature ; que le dernier alinéa de cet article n’interdit pas, non plus, le partage des revenus entre les ayants droit d’une section de commune dès lors que le législateur a utilisé l’adverbe " prioritairement " et non " exclusivement " ; que le principe d’exclusivité, fait seulement obstacle à un réemploi qui ne serait pas réservé à la section et à ses ayants droit ; qu’au regard des droits patrimoniaux détenus par les ayants droit sur les biens de section, le principe d’interdiction des libéralités par les personnes publiques ne fait nullement obstacle au partage de revenus entre ayants droit ; que, bien plus, les dispositions de l'article L.2411-10 du code général des collectivités territoriales doivent s’interpréter au regard de celles de l’article 542 du code civil, de sorte que les ayants droit d’une section de commune bénéficient d’un droit acquis sur les produits des biens de section, lesquels comprennent les produits en espèces ;
Les articles L.111-1 et L.145-1 et suivants du code forestier prévoient un régime particulier concernant le produit des coupes de l’affouage ; qu’ils autorisent expressément la redistribution des revenus issus de l’affouage aux ayants droit ; que le conseil municipal dispose d’un libre choix dans la décision de vendre l’affouage des sections de commune, dans l’affectation du produit de la vente de l’affouage aux sections et, si cette affectation est faite au profit des membres de la section, quant au mode d’emplois de partage entre les membres de celles-ci ; qu’en décidant de vendre l’affouage et la répartition de sa valeur en espèces entre les membres de la section, après paiement des dépenses nécessaires à la mise en valeur et à l’entretien des biens de la section, le conseil municipal de Chambon-sur-Dolore n’a fait qu’exercer un pouvoir souverain ;
Vu le mémoire, enregistré le 8 septembre 2012, présenté par le préfet du Puy-de-Dôme qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; Il soutient, en outre, que :
Les affouagistes ne disposent que d’un droit de jouissance ainsi que le Conseil constitutionnel l’a jugé dans une décision en date du 8 avril 2011 ;
Les articles L.2411-10 et L.2411-15 du code général des collectivités territoriales prohibent le partage entre ayants droit des revenus en espèce tirés de l’affouage ;
L’état de droit n’a été modifié ni par la jurisprudence, ni par une quelconque modification législative en ce qui concerne l’interdiction faite aux personnes publiques d’accorder des libéralités aux personnes privées ; que l’état de droit n’a pas été modifié par des précisions apportées par le législateur à l’article L.243-3 du nouveau code forestier ; que le code général des collectivités territoriales prohibe, de manière constante, la répartition des revenus tirés de l’affouage ;
Vu l'ordonnance en date du 2 août 2013 fixant la clôture d'instruction au 20 août 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;Vu la note en délibéré présentée pour les sections de commune des Ayes, de Frideroche, de L'Hôpital, de Malvieille et du Mas enregistrée le 22 novembre 2013 ;Vu les délibérations attaquées ;Vu les autres pièces du dossier ;Vu le code général des collectivités territoriales ;Vu le code forestier ;Vu le code civil ;Vu le code de justice administrative ;Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 novembre 2013 :
le rapport de M. L'hirondel ;
les conclusions de M. Chacot, rapporteur public ;
et les observations de Mme Trescarte représentant le préfet du Puy-de-Dôme et de Me Maisonneuve Gatignol pour les sections de commune des Ayes, de Frideroche, de L'Hôpital, de Malvieille et du Mas ;
Considérant que par la requête susvisée, le préfet du Puy-de-Dôme demande au tribunal d’annuler la délibération en date du 25 novembre 2011 par laquelle le conseil municipal de Chambon-sur-Dolore a décidé de procéder à la répartition du produit des coupes de bois au titre de l’année 2010 entre les ayants droit des sections de commune des Ayes, de Frideroche, de L'Hôpital, de Malvieille et du Mas ;Considérant, d’une part,
qu’aux termes de l'article L. 2411-1 du code général des collectivités territoriales : " Constitue une section de commune toute partie d'une commune possédant à titre permanent et exclusif des droits et des biens distincts de ceux de la commune. La section de commune a la personnalité juridique. " ;
qu’aux termes de l’article L.2411-2 du code général des collectivités territoriales : " La gestion des biens et droits de la section est assurée par le conseil municipal, par le maire (…) " ;
qu’aux termes de l’article L.2411-10 du même code dans sa rédaction alors applicable : " Les membres de la section ont, dans les conditions résultant soit des décisions des autorités municipales, soit des usages locaux, la jouissance de ceux des biens de la section dont les fruits sont perçus en nature / (…) Les revenus en espèces ne peuvent être employés que dans l'intérêt des membres de la section. Ils sont affectés prioritairement à la mise en valeur et à l'entretien des biens de la section ainsi qu'aux équipements reconnus nécessaires à cette fin par la commission syndicale. " ;
qu’aux termes de l’article L.2411-15 dudit code : " Le produit de la vente de biens de la section ne peut être employé que dans l'intérêt de la section (…) " ;
Considérant, d’autre part,
qu’aux termes de l’article L.145-1 du code forestier alors en vigueur : " Pour chaque coupe des forêts des communes et sections de commune, le conseil municipal ou l'une des commissions visées aux articles L. 162-1, L. 162-3 et L. 162-5 du code des communes peut décider d'affecter tout ou partie du produit de la coupe au partage en nature entre les bénéficiaires de l'affouage pour la satisfaction de leurs besoins ruraux ou domestiques, et sans que ces bénéficiaires ne puissent vendre les bois qui leur ont été délivrés en nature. / Les bois non destinés au partage en nature sont vendus par les soins de l'Office national des forêts dans les conditions prévues au chapitre IV du présent titre. (…) " ;
qu’aux termes de l’article L.145-2 du même code alors en vigueur : " S'il n'y a titre contraire, le partage de l'affouage, qu'il s'agisse des bois de chauffage ou des bois de construction, se fait de l'une des trois manières suivantes : / 1° Ou bien par feu, c'est-à-dire par chef de famille ou de ménage ayant domicile réel et fixe dans la commune avant la publication du rôle ; / 2° Ou bien moitié par chef de famille ou de ménage et moitié par tête d'habitant remplissant les mêmes conditions de domicile. / La personne qui a réellement et effectivement la charge et la direction d'une famille ou qui possède un ménage distinct où elle demeure et où elle prépare sa nourriture, est dans les deux cas précédents seule considérée comme chef de famille ou de ménage. / Toutefois, ont droit à l'affouage les ascendants vivant avec leurs enfants, sans qu'il y ait lieu de rechercher s'ils ont, ou non, la charge effective d'une famille ; / 3° Ou bien par tête d'habitant ayant domicile réel et fixe dans la commune avant publication du rôle. / Chaque année, dans la session de printemps, le conseil municipal détermine lequel de ces trois modes de partage sera appliqué. " ;
qu’aux termes de l’article L.145-3 dudit code alors en vigueur : " En cas de partage par feu et par tête, ou seulement de partage par tête, le conseil municipal a la faculté de décider que, pour avoir droit de participer au partage par tête de l'affouage, il est nécessaire, au moment de la publication du rôle, de posséder depuis un temps qu'il détermine, mais qui n'excède pas six mois, un domicile réel et fixe dans la commune. / Les usages contraires à ces modes de partage sont et demeurent abolis. / Le conseil municipal peut aussi décider la vente de tout ou partie de l'affouage au profit de la caisse communale ou des affouagistes. Dans ce dernier cas, la vente a lieu dans les conditions prévues au titre III, chapitre IV du présent livre, par les soins de l'Office national des forêts. " ;
qu’aux termes de l’article R.128-28 de ce code dans sa rédaction alors applicable : " La quotité annuelle de l'affouage, toutes les fois qu'elle ne consiste pas en une délivrance fixe, et le revenu annuel de tous droits d'usage en bois, autres que le droit d'usage en bois de construction, sont déterminés par des moyennes calculées sur le plus grand nombre d'années possible. " ;
qu’enfin, aux termes de l’article R.145-2 de ce codedans sa rédaction alors applicable : " Les communes font connaître en temps opportun à l'Office national des forêts la quantité de bois qui leur est nécessaire tant pour le chauffage que pour la construction et les réparations. (…) " ;
Considérant
qu'il résulte de ces dispositions que les biens sont la propriété de la section de commune et non des ayants droit de la section et que la section de commune constitue une personne publique ;
que si, par ailleurs, les dispositions précitées du code général des collectivités territoriales régissent la gestion des biens et produits appartenant aux sections de commune, il convient toutefois, pour la répartition du produit de la vente de l’affouage et par application du principe selon lequel la règle spéciale déroge à la règle générale, de se référer aux dispositions qui lui sont spécifiquement applicables et contenues aux articles L.145-1 à L.145-3 du code forestier, lesquelles concernent également les sections de commune ;
que par application de ces dernières dispositions, le conseil municipal a la faculté de vendre tout ou partie de l’affouage et de répartir le produit de la vente entre les titulaires de ce droit ;
que toutefois, si le conseil municipal use de cette faculté, ce partage ne doit alors concerner que l’affouage c'est-à-dire la coupe de bois destinée à permettre la satisfaction de l’un des usages visés à l'article L.145-1 du code forestier et après que l’assemblée délibérante ait déterminé le mode de partage retenu ainsi que la quantité de bois nécessaire aux affouagistes selon les modalités prévues par les dispositions précitées du code forestier afin de faire connaître cette quantité à l'Office national des forêts qui est chargé de la coupe ;
Considérant, en l’espèce,
que selon les termes mêmes de la délibération contestée du 25 novembre 2011, le conseil municipal de Chambon-sur-Dolore a décidé de répartir, après avoir réservé les sommes nécessaires au mandatement des dépenses de gestion, des travaux et des taxes foncières, la somme totale de 69 683 euros, représentant la vente de la coupe des bois des sections de commune des Ayes, de Frideroche, de L'Hôpital, de Malvieille et du Mas, au titre de l’année 2010, entre les ayants droit de chacune de ces sections selon le rôle établi le 8 mai 2010 ;
que pour cette répartition, le conseil municipal a retenu la circonstance que " ce revenu attendu par nos administrés devient indispensable à ceux, de plus en plus nombreux, qui connaissent des difficultés sans cesse croissantes pour faire face aux dépenses incompressibles de la vie courante. Composés en majorité de retraités agricoles, ils bénéficient d’une pension très modeste " ;
que, dans ces conditions, et alors même que la délibération contestée qualifie ces ayants droit d’affouagistes, il est constant que l’objet de cette délibération porte sur un partage de recettes tirées de la coupe des bois et non sur la répartition des produits de l’affouage, tel qu’il est défini à l’article L.145-1 du code forestier et selon la procédure et un mode de répartition entre les bénéficiaires retenu préalablement par le conseil municipal tels que fixés par les dispositions précitées du même code, la délibération du 3 mai 2010 arrêtant seulement la liste des affouagistes sans au demeurant préciser le mode de répartition retenu au regard des dispositions de l'article L.145-2 du code forestier ne pouvant pallier cette insuffisance ;
que, par suite, la commune de Chambon-sur-Dolore n’est pas fondée à se prévaloir des dispositions spécifiques du code forestier relatives à l’affouage ;
Considérant, par ailleurs,
que ni les dispositions de l'article 542 du code civil, ni les dispositions de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales ni aucune autre disposition législative ne donnent aux ayants droit d'une section de commune, un droit à percevoir les revenus en espèces d'une section de commune alors qu’au contraire, l’article L.2411-15 de ce dernier code prévoit que le produit de la vente de biens de la section ne peut être employé que dans l'intérêt de la section ;
qu'en l'absence d'un tel droit, la distribution des revenus de la section de commune aux ayants droit constitue une libéralité méconnaissant le principe faisant interdiction aux personnes publiques d'accorder des libéralités aux personnes privées ;
qu'en tout état de cause, un usage local ne saurait méconnaître ce principe ;
que, par suite, la délibération du 25 novembre 2011 du conseil municipal de Chambon-sur-Dolore décidant d’attribuer la répartition de la coupe des bois à des membres des sections de commune présentant la qualité d’affouagiste, est entachée d’illégalité ;
que dans ces conditions, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, le préfet du Puy-de-Dôme est fondé à demander au tribunal son annulation ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :Considérant
qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
que ces dispositions font en tout état de cause obstacle à ce que l’Etat, qui n’a pas la qualité de partie perdante, verse à la commune de Chambon-sur-Dolore une somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :Article 1er : La délibération en date du 25 novembre 2011 par laquelle le conseil municipal de Chambon-sur-Dolore a décidé de répartir le produit de la coupe des bois des sections de commune des Ayes, de Frideroche, de L'Hôpital, de Malvieille et du Mas est annulée.Article 2 : Le présent jugement sera notifié au ministre de l'intérieur et aux sections de commune des Ayes, de Frideroche, de L'Hôpital, de Malvieille et du Mas.Copie en sera adressé pour son information au préfet du Puy-de-Dôme.Délibéré après l'audience du 19 novembre 2013 à laquelle siégeaient : M. Lamontagne, président, M. L’hirondel, premier conseiller, Mme Bentejac, premier conseiller Lu en audience publique le 3 décembre 2013
Le rapporteur, M. L’HIRONDEL
Le président, F. LAMONTAGNE
Le greffier, F. LLORACH
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.