SECTION DES IMBERDISTRIBUNAL ADMINISTRATIF DE CLERMONT-FERRAND
N°1200649 Préfet du Puy-de-Dôme M. L’hirondel, Rapporteur M. Chacot, Rapporteur public Audience du 19 novembre 2013 Lecture du 3 décembre 2013
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand (1ère Chambre)
135-02-02-03-01 CVu la requête, enregistrée le 11 avril 2012, présentée par le préfet du Puy-de-Dôme qui demande au tribunal d’annuler la délibération en date du 9 décembre 2011 par laquelle le conseil municipal de Grandval a procédé à la répartition du produit des coupes de bois de l’année 2010 entre les ayants droit de la section de commune des Imberdis ; Il soutient
qu’une section de commune dispose, en application de l’article L.2411-1 du code général des collectivités territoriales, d’une personnalité juridique propre de sorte que les biens appartiennent non pas aux ayants droit mais à ladite section ;
que selon les dispositions de l'article L.2411-10 du même code dans sa rédaction alors applicable, les revenus en espèce ne peuvent être employés que dans l’intérêt de la section de commune ;
que la délibération attaquée n’affecte que partiellement les revenus tirés de la coupe des bois à la mise en valeur et à l’entretien des biens de la section ;
qu’elle méconnaît ainsi, comme l’a jugé la cour administrative d'appel de Lyon dans un arrêt du 2 août 2011, le principe faisant interdiction aux personnes publiques d’accorder des libéralités aux personnes privées ;
Vu la délibération attaquée ;Vu la mise en demeure adressée le 29 mai 2012 à la commune de Grandval, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ; Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2012, présenté pour la commune de Grandval, représentée par son maire en exercice, agissant pour le compte de la section de commune des Imberdis, pour par la SCP Teillot Maisonneuve Gatignol Jean Fageole ; la commune de Grandval conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce que l’Etat lui verse une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ; Elle fait valoir que :
Une erreur dans les visas ne constitue pas une erreur substantielle de nature à entacher d’illégalité la délibération attaquée ;
Le préfet ne saurait se fonder sur l’arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon qu’il cite dès lors que cet arrêt n’est pas définitif et n’est, en tout état de cause, pas applicable au cas d’espèce ;
Les dispositions de l'article L.2411-10 du code général des collectivités territoriales ne prohibent pas le partage de revenus entre ayants droit mais prévoit expressément, au contraire, que les membres de la section ont, dans les conditions résultant soit des décisions des autorités municipales, soit des usages locaux, la jouissance de ceux des biens de la section dont les fruits sont perçus en nature ;
que le dernier alinéa de cet article n’interdit pas, non plus, le partage des revenus entre les ayants droit d’une section de commune dès lors que le législateur a utilisé l’adverbe " prioritairement " et non " exclusivement " ;
que le principe d’exclusivité, fait seulement obstacle à un réemploi qui ne serait pas réservé à la section et à ses ayants droit ;
qu’au regard des droits patrimoniaux détenus par les ayants droit sur les biens de section, le principe d’interdiction des libéralités par les personnes publiques ne fait nullement obstacle au partage de revenus entre ayants droit ;
que, bien plus, les dispositions de l'article L.2411-10 du code général des collectivités territoriales doivent s’interpréter au regard de celles de l’article 542 du code civil, de sorte que les ayants droit d’une section de commune bénéficient d’un droit acquis sur les produits des biens de section, lesquels comprennent les produits en espèces ;
Les articles L.111-1 et L.145-1 et suivants du code forestier prévoient un régime particulier concernant le produit des coupes de l’affouage ;
qu’ils autorisent expressément la redistribution des revenus issus de l’affouage aux ayants droit ;
que le conseil municipal dispose d’un libre choix dans la décision de vendre l’affouage des sections de commune, dans l’affectation du produit de la vente de l’affouage aux sections et, si cette affectation est faite au profit des membres de la section, quant au mode d’emplois de partage entre les membres de celles-ci ;
qu’en décidant de vendre l’affouage et la répartition de sa valeur en espèces entre les membres de la section, après paiement des dépenses nécessaires à la mise en valeur et à l’entretien des biens de la section, le conseil municipal de Grandval n’a fait qu’exercer un pouvoir souverain ;
Vu le mémoire, enregistré le 8 septembre 2012, présenté par le préfet du Puy-de-Dôme qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; Il soutient, en outre,
que l’état de droit, en particulier les articles L.2411-10 et L.2411-15 du code général des collectivités territoriales, ne permet pas le partage en espèces des revenus tirés de l’affouage ;
que les ayants droit affouagistes disposent uniquement d’un droit de jouissance ;
que cet état de droit n’a été modifié ni par la jurisprudence, ni par une modification législative ;
que les dispositions de l’article L.145-3 du code forestier n’autorise pas ce partage ;
Vu l'ordonnance en date du 2 août 2013 fixant la clôture d'instruction au 20 août 2013, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;Vu la note en délibéré présentée pour la section de commune des Imberdis enregistrée le 22 novembre 2013 ;Vu les autres pièces du dossier ;Vu le code général des collectivités territoriales ;Vu le code forestier ;Vu le code de justice administrative ;Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ; Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 novembre 2013 :
le rapport de M. L'hirondel ;
les conclusions de M. Chacot, rapporteur public ;
et les observations de Mme Trescarte représentant le préfet du Puy-de-Dôme et de Me Maisonneuve Gatignol pour la section de commune des Imberdis ;
Considérant que, par la requête susvisée, le préfet du Puy-de-Dôme demande au Tribunal d’annuler la délibération en date du 9 décembre 2011 par laquelle le conseil municipal de Grandval agissant pour le compte de la section de commune des Imberdis a décidé de répartir le produit des coupes de bois, pour un montant total de 22 363,20 euros, entre les quatorze " affouagistes " de ladite section ;Considérant, d’une part,
qu’aux termes de l'article L. 2411-1 du code général des collectivités territoriales : " Constitue une section de commune toute partie d'une commune possédant à titre permanent et exclusif des droits et des biens distincts de ceux de la commune. La section de commune a la personnalité juridique. " ;
qu’aux termes de l’article L.2411-2 du code général des collectivités territoriales : " La gestion des biens et droits de la section est assurée par le conseil municipal, par le maire (…) " ;
qu’aux termes de l’article L.2411-10 du même code dans sa rédaction alors applicable : " Les membres de la section ont, dans les conditions résultant soit des décisions des autorités municipales, soit des usages locaux, la jouissance de ceux des biens de la section dont les fruits sont perçus en nature / (…) Les revenus en espèces ne peuvent être employés que dans l'intérêt des membres de la section. Ils sont affectés prioritairement à la mise en valeur et à l'entretien des biens de la section ainsi qu'aux équipements reconnus nécessaires à cette fin par la commission syndicale. " ;
qu’aux termes de l’article L.2411-15 dudit code : " Le produit de la vente de biens de la section ne peut être employé que dans l'intérêt de la section (…) " ;
Considérant, d’autre part,
qu’aux termes de l’article L.145-1 du code forestier alors en vigueur : " Pour chaque coupe des forêts des communes et sections de commune, le conseil municipal ou l'une des commissions visées aux articles L. 162-1, L. 162-3 et L. 162-5 du code des communes peut décider d'affecter tout ou partie du produit de la coupe au partage en nature entre les bénéficiaires de l'affouage pour la satisfaction de leurs besoins ruraux ou domestiques, et sans que ces bénéficiaires ne puissent vendre les bois qui leur ont été délivrés en nature. / Les bois non destinés au partage en nature sont vendus par les soins de l'Office national des forêts dans les conditions prévues au chapitre IV du présent titre. (…) " ;
qu’aux termes de l’article L.145-2 du même code alors en vigueur : " S'il n'y a titre contraire, le partage de l'affouage, qu'il s'agisse des bois de chauffage ou des bois de construction, se fait de l'une des trois manières suivantes : / 1° Ou bien par feu, c'est-à-dire par chef de famille ou de ménage ayant domicile réel et fixe dans la commune avant la publication du rôle ; / 2° Ou bien moitié par chef de famille ou de ménage et moitié par tête d'habitant remplissant les mêmes conditions de domicile. / La personne qui a réellement et effectivement la charge et la direction d'une famille ou qui possède un ménage distinct où elle demeure et où elle prépare sa nourriture, est dans les deux cas précédents seule considérée comme chef de famille ou de ménage. / Toutefois, ont droit à l'affouage les ascendants vivant avec leurs enfants, sans qu'il y ait lieu de rechercher s'ils ont, ou non, la charge effective d'une famille ; / 3° Ou bien par tête d'habitant ayant domicile réel et fixe dans la commune avant publication du rôle. / Chaque année, dans la session de printemps, le conseil municipal détermine lequel de ces trois modes de partage sera appliqué. " ;
qu’aux termes de l’article L.145-3 dudit code alors en vigueur : " En cas de partage par feu et par tête, ou seulement de partage par tête, le conseil municipal a la faculté de décider que, pour avoir droit de participer au partage par tête de l'affouage, il est nécessaire, au moment de la publication du rôle, de posséder depuis un temps qu'il détermine, mais qui n'excède pas six mois, un domicile réel et fixe dans la commune. / Les usages contraires à ces modes de partage sont et demeurent abolis. / Le conseil municipal peut aussi décider la vente de tout ou partie de l'affouage au profit de la caisse communale ou des affouagistes. Dans ce dernier cas, la vente a lieu dans les conditions prévues au titre III, chapitre IV du présent livre, par les soins de l'Office national des forêts. " ;
qu’aux termes de l’article R.128-28 de ce code dans sa rédaction alors applicable : " La quotité annuelle de l'affouage, toutes les fois qu'elle ne consiste pas en une délivrance fixe, et le revenu annuel de tous droits d'usage en bois, autres que le droit d'usage en bois de construction, sont déterminés par des moyennes calculées sur le plus grand nombre d'années possible. " ;
qu’enfin, aux termes de l’article R.145-2 de ce codedans sa rédaction alors applicable : " Les communes font connaître en temps opportun à l'Office national des forêts la quantité de bois qui leur est nécessaire tant pour le chauffage que pour la construction et les réparations. (…) " ;
Considérant
qu'il résulte de ces dispositions que les biens sont la propriété de la section de commune et non des ayants droit de la section et que la section de commune constitue une personne publique ;
que si, par ailleurs, les dispositions précitées du code général des collectivités territoriales régissent la gestion des biens et produits appartenant aux sections de commune, il convient toutefois, pour la répartition du produit de la vente de l’affouage et par application du principe selon lequel la règle spéciale déroge à la règle générale, de se référer aux dispositions qui lui sont spécifiquement applicables et contenues aux articles L.145-1 à L.145-3 du code forestier, lesquelles concernent également les sections de commune ;
que par application de ces dernières dispositions, le conseil municipal a la faculté de vendre tout ou partie de l’affouage et de répartir le produit de la vente entre les titulaires de ce droit ;
que toutefois, si le conseil municipal use de cette faculté, ce partage ne doit alors concerner que l’affouage c'est-à-dire la coupe de bois destinée à permettre la satisfaction de l’un des usages visés à l'article L.145-1 du code forestier et après que l’assemblée délibérante ait déterminé le mode de partage retenu ainsi que la quantité de bois nécessaire aux affouagistes selon les modalités prévues par les dispositions précitées du code forestier afin de faire connaître cette quantité à l'Office national des forêts qui est chargé de la coupe ;
Considérant, en l’espèce,
que selon les termes mêmes de la délibération contestée, le conseil municipal de Grandval a décidé de répartir le produit de la vente de la coupe des bois de la section des Imberdis, au titre de l’année 2010, entre les quatorze affouagistes dont la liste a été dressée suivant une délibération en date du 18 juin 2010, après avoir retenu les sommes nécessaires au paiement des frais de gestion et de garderie ainsi qu’à la taxe foncière ;
qu’il ressort des pièces du dossier que cette dernière délibération ne se borne qu’à fixer une liste de personnes retenues en qualité d’ayants droit de la section des Imberdis sans préciser, au regard des dispositions précitées de l’article L.145-2 du code forestier, le mode de partage retenu alors qu’elle autorise, de plus, la répartition plus générale du produit des coupes de bois et non spécifiquement celui de l’affouage dont le volume nécessaire pour satisfaire le besoin de chacun des affouagistes aurait été quantifié ;
que, dans ces conditions, l’objet de la délibération contestée du 9 décembre 2011 doit être regardé comme portant non pas sur la répartition des produits de l’affouage, tel qu’il est défini à l’article L.145-1 du code forestier et selon la procédure et un mode de répartition entre les bénéficiaires affouagistes retenu préalablement par le conseil municipal et qui sont fixés par les dispositions précitées du même code mais sur un partage de recettes tirées d’une manière générale de la coupe des bois entre les ayants droit ;
que, par suite, la commune de Grandval n’est pas fondée à se prévaloir des dispositions spécifiques du code forestier relatives à l’affouage ;
Considérant, par ailleurs,
que ni les dispositions de l'article L. 2411-10 du code général des collectivités territoriales ni aucune autre disposition législative ne donnent aux ayants droit d'une section de commune, un droit à percevoir les revenus en espèces d'une section de commune alors qu’au contraire, l’article L.2411-15 de ce dernier code précité prévoit que le produit de la vente de biens de la section ne peut être employé que dans l'intérêt de la section ;
qu'en l'absence d'un tel droit, la distribution des revenus de la section de commune aux ayants droit constitue une libéralité méconnaissant le principe faisant interdiction aux personnes publiques d'accorder des libéralités aux personnes privées ;
qu'en tout état de cause, un usage local ne saurait méconnaître ce principe ;
que, par suite, la délibération du 9 décembre 2011 du conseil municipal de Grandval décidant d’attribuer la répartition de la coupe des bois aux ayants droit de la section de commune des Imberdis est entachée d’illégalité ;
que dans ces conditions, le préfet du Puy-de-Dôme est fondé à demander au tribunal son annulation ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :Considérant
qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
que ces dispositions font obstacle à ce que l’Etat, qui n’a pas la qualité de partie perdante, verse à la commune de Grandval agissant pour le compte de la section de commune des Imberdis une somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :Article 1er : La délibération en date du 9 décembre 2011 par laquelle le conseil municipal de Grandval a procédé à la répartition du produit des coupes de bois de l’année 2010 entre les ayants droit de la section de commune des Imberdis est annulée.Article 2 : Le présent jugement sera notifié au ministre de l'intérieur et à la section de commune des Imberdis.Copie en sera adressé pour son information au préfet du Puy-de-Dôme.Délibéré après l'audience du 19 novembre 2013 à laquelle siégeaient : M. Lamontagne, président, M. L’hirondel, premier conseiller, Mme Bentejac, premier conseiller Lu en audience publique le 3 décembre 2013
Le rapporteur, M. L’HIRONDEL
Le président, F. LAMONTAGNE
Le greffier, F. LLORACH
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
PRODUITS DE LA CHASSE SUR LA SECTIONTRIBUNAL ADMINISTRATIF DE CLERMONT-FERRAND
26 novembre 1987, n°84723, (M. Montheillet c/ commune de Grandval)
« qu'il résulte des articles 539 et 713 du code civil que le gibier capturé ou mis à mort appartient à l'auteur de l'acte de chasse et non au propriétaire du sol sur lequel le dit acte a été accompli ;
ainsi les produits de la chasse ne sauraient être assimilés à un fruit perçu en nature mais doivent être regardés comme renvoyant aux autres biens dont les conditions spécifiques de gestion sont précisées au second alinéa de l'article L. 151-2 précité ;
il suit de là que le conseil municipal de Grandval a pu légalement décider de louer les droits de chasse de la section à la société de chasse La Grandvaloise dès lors qu'il n'est ni allégué ni prouvé que le produit de cette location serait employé dans un autre intérêt que celui de la section »