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BIENS de SECTION

Territoires agraires et limites paroissiales



L'Hôpital d'AUBRAC est à l'origine de nombreux titres fondateurs communaux puis sectionaux, tant dans les Monts de l'AUBRAC que dans la Vallée de l'AVEYRON.

Le PUECH DU FRAYSSE (AVEYRON) Communiqué de Jean-Michel Viguié-Bion

**Le Puech du Fraysse, signifie en français le Puy du Frêne. Ce toponyme occitan a donné son nom a une commune supprimée par l'Ordonnance royale de Louis-Philippe Ier, Roi des Français, donné au Palais de NEUILLY [-SUR-SEINE] le 31 juillet 1833, portant entre autres réunion ou fusion des Communes de BANC-ANGLARS et de BERTHOLENE (publiée au Bulletin des Lois du Royaume de FRANCE), qui est non seulement l'acte constitutif de la section de commune de BANC-ANGLARS (alias « les Habitants de l'ancienne Commune de BANC-ANGLARS») et de la section de commune de BERTHOLINE (alias « les Habitants de l'ancienne Commune de BERTHOLENE»), mais aussi celui de la section de commune du PUECH-DU-FRAYSSE (alias « les Habitants de l'ancienne Commune du PUECH-DU-FRAYSSE»), en ces termes :

«…Art.1er : «Les Communes de Bertholène et d’[Banc-] Anglars, arrondissement de Millau, département de L’Aveyron sont réunies en une seule dont le chef-lieu est fixé à Bertholène.

Feront en outre partie de la nouvelle commune les enclaves désignées au plan ci-annexé par les lettres BI et provenant savoir, la première de la Commune de Laissac et la dernière de Cruéjouls».

«…Art. 3 : La Commune de Puech de Fraisse est supprimée : les parties dont elle se Compose sont réunies savoir : celle côtée H sur le plan à la Commune de Bertholène ; celles cotées E et G à la Commune de Cruéjouls, et celles cotées D, E à la Commune de Palmas».

«…Art.6 : L’enclave cotée A est distraite de la Commune de Bertholène et réunie à la Commune de Laissac».

«…Art.8 : Les Communes réunies par les articles précédents continueront s’il y a lieu, à jouir séparement comme Sections de Commune, des droits d’usage ou autres qui pourraient leur appartenir, sans pouvoir se dispenser de contribuer en Communs aux charges municipales ».

«…Art. 9 : Les dispositions ci-dessus auront lieu sans préjudice des droits d’usage ou autres qui pourraient être réciproquement acquis.».

En outre, le chef-lieu de cette Commune du PUECH-DU-FRAYSSE n'était pas sis au lieu-dit d'où elle tirait son nom, mais à 10 kilomètres de là : au Château des Bourines (cf. http://www.chateaudesbourines.com), la plus importante exploitation agricole du ROUERGUE (actuel département de l'AVEYRON), construit à partir du début du XIIIème siècle par l'Hospice Notre-Dame des Pauvres d'AUBRAC (aujourd'hui commune de SAINT-CHELY-D'AUBRAC), congrégation religieuse masculine soumise à la règle de SAINT-AUGUSTIN, autrement appelée Hôpital d'AUBRAC ou encore Dômerie d'AUBRAC, car son Prieur portait aussi le titre de Dom (abréviation du latin Dominus). Le Cardinal Jules MAZARIN, Principal Ministre de la FRANCE, fut Dom d'AUBRAC de 1643 à 1649.

AUBRAC et le Château des Bourines sont à 43 kilomètres d'écart.

Bien évidemment, l'Hôpital d'AUBRAC est à l'origine de nombreux titres fondateurs communaux puis sectionaux, tant dans les Monts de l'AUBRAC que dans la haute Vallée de l'AVEYRON.



Les Sections de Communes, patrimoine en péril

Par Hugues de Melin

Patrimoine à plus d'un titre les 60 000 (1) Sections de Communes françaises sont ignorées par la plus grande partie de nos concitoyens et particulièrement des citadins qui n'en entendent jamais parler. Et pour cause, ces sections concernent essentiellement nos communes de la France profonde et sont nées en plein bouillonnement révolutionnaire, le 10 Juin 1793.

La création des municipalités puis des communes a imposé par volonté de regroupement, de nouveaux découpages administratifs qui ne pouvaient tenir un compte systématique des traditions usagères de chaque localité. Ceci a obligé le législateur à fixer dans une structure légale indépendante de celles des communes une situation qui s'était stabilisée depuis notre période féodale et qui avait consacré par titres et prescriptions les droits collectifs de certains groupes d'habitants sur des propriétés immobilières rurales et plus rarement urbaines.

Donnés dès le XII ème siècle par les seigneurs pour des raisons aussi variées que l'attraction et la fixation d'une main d’œuvre faisant défaut ou que l'encouragement d'un développement communal destiné à la défense de certaines places fortes ou encore arrachés de haute lutte par des groupes d'habitants à leurs seigneurs contraints, les titres d'usage, base des droits de propriété actuels, parfois assez imprécis, sont le plus souvent constitués par une simple donation ou une charte qui attribue des droits aux habitants d'un lieu.

Jusqu'à la période révolutionnaire seule existe une forme de propriété collective dans ce qu'on appelait alors les Paroisses, ancêtres de nos communes actuelles, qui est celle du droit de certains habitants de jouir indivisément d'un territoire possédé collectivement. La liste coutumière des habitants disposant de ce droit est liée à une aire géographique précise qui est celle du village ou d'un de ses quartiers, si petit soit-il, de son terroir et des biens collectifs concernés. Une Paroisse, qui constituait une Communauté pouvait regrouper plusieurs villages ou hameaux. Les conflits réglés par les autorités de la Communauté ou par les Cours de Justice fixent les limites des terroirs et des biens collectifs qui, lorsque le texte fondateur est trop imprécis, n'est pas recherché ou n'existe plus, varient plus ou moins en fonction des migrations.

Les biens immeubles ainsi utilisés sont devenus peu à peu indispensables à la survie matérielle des habitants plus ou moins pauvres et leur aliénation interdite par les lois de Colbert. Ils sont considérés comme un dépôt sacré qui doit être transmis intact de génération en génération pour assurer cette survie. Ceci pour les préserver de certains propriétaires ou des Seigneurs qui, outre leurs droits de triage, (droit de jouissance seigneuriale du tiers des biens collectifs) tentèrent souvent de reprendre ce qu'avaient donné leurs ancêtres provoquant ainsi nombre de conflits le plus généralement arbitrés en faveur des habitants. Les archives sont remplies de ces procès entre le XV ème et le XVIII ème siècles.

Quels sont donc ces patrimoines collectifs et pourquoi leur appropriation était-elle et demeure si tentante ? Véritables réserves de nature, les terrains concédés étaient la plupart du temps impropres à la culture, rocheux, marécageux, inondables, montagneux et en somme tout ce qui représentait la nature dans sa sauvagerie la moins maîtrisable à cette époque. Cependant ils étaient pâturables et souvent couverts de forêts. D'où les tentatives de réappropriations diverses. Nos deux derniers siècles ont asséché les marais, industrialisé les carrières, inventé les engrais chimiques et les tronçonneuses. L'intérêt pour les déserts sectionaux s'est intensifié jusqu'à ce que leur nouvelle valeur induite pose une pression (et parfois une tentation) irrésistible sur les élus. Cette pression s'est traduite dans les législations récentes relatives aux Sections.

Il n'apparaît pas opportun de commenter les modifications apportées par l'équipe au pouvoir en 2004 tant elles confortent les tendances à l'appropriation de l'ancienne administration socialiste de 1985 responsable de la loi Montagne. Cette loi a radicalement transformé les règlements précédents relatifs à la gestion des biens des Sections et introduit des dispositions nouvelles qui donnent des pouvoirs considérables aux Préfets (au point que l'on peut parler de nationalisation rampante et déguisée) en matière de disposition de ces biens et des compétences accrues aux Maires pour les gérer. Le problème posé par ces compétences et ces pouvoirs est celui de l'entrave ainsi mise à l'exercice de leur droit de propriété par les Sections et la déresponsabilisation de leurs Ayants Droit, les deux coûtant parfois cher à la Commune en mauvaise gestion et en opportunités ratées. Ce droit, qui était avant la Révolution celui des habitants copropriétaires, a déjà subi une première atteinte par mutation de cette propriété en faveur de la Section, réalisée par voie législative et malheureusement sans titres translatifs. Aujourd'hui la tendance est à la mutation du droit de la Section en faveur de la Commune de rattachement.

En effet à force de vouloir contourner le droit constitutionnel de propriété, la loi régissant les sections est devenue d'une telle complexité (2) que les notaires et les fonctionnaires ne font plus aucun effort (lorsqu’ils la connaissent) pour la comprendre et l'appliquer et la contournent le plus souvent ce qui est particulièrement aisé lorsque les Ayants Droit, n'y comprenant rien eux-mêmes, finissent par abandonner la défense de leurs propres intérêts dont la nature collective pousse de surcroît à la démotivation. Les notaires sont la plupart du temps à la base de ce contournement par l'application abusive qu'ils font de la prescription trentenaire en faveur de la Commune de rattachement. Leur prétexte est qu'elle gère les biens de la Section sans titres de propriété depuis plus de trente ans et que ces biens figurent à son nom sur la Matrice Cadastrale. En effet ces biens y ont été le plus souvent transférés de manière juridiquement contestable et sans acte de la "Communauté" d'Ancien Régime à la "Commune" par les services fiscaux entre 1793 et 1823.

En outre seul un très petit nombre d'avocats peuvent être considérés comme qualifiés dans ce domaine du droit alors que leur indispensable sélection par les Ayants Droit est handicapée par l'ignorance et la fréquente faiblesse des ressources de ces derniers. Enfin les intérêts des sections ne sont pas défendus dans les commissions par leurs représentants légaux et, les élus faisant la loi, leur tentation est de mettre la main sur les biens des Sections lorsqu'ils ont une valeur économique négociable. Cette tentation est attisée par le fait que beaucoup d'Ayants Droit, qui ne savent parfois pas même qu'ils le sont, ont de tout temps abandonné, selon une tradition d'Ancien Régime, la gestion des biens de leur Section à leurs responsables municipaux, donnant par là à ces derniers la conviction que leur Commune en est le propriétaire légal.

Certes les dérives légales sont sanctionnées par le Conseil d'Etat, la Cour de Cassation et Cour Européenne de Justice qui font scrupuleusement respecter le droit de propriété. Il paraît cependant certain que les torts redressés représentent un faible pourcentage des irrégularités commises et encouragées par l'Administration. Pour éviter une telle dérive le Conseil Constitutionnel aurait dû être saisi d'une demande de conformité de la loi Montagne et de la loi d'août 2004 afin d'en réduire les atteintes au droit de propriété et d'atténuer significativement la compétition malsaine qu'elle crée entre le Maire et la Section où finit par se concentrer une opposition active contre les élus empoisonnant la vie communale. Le bon sens voudrait que soient séparés radicalement la gestion de ces Etablissements Publics de celle des Communes et que l'élection de la Commission Syndicale, organe légal de gestion de la Section, soit automatique quels que soient les revenus de la Section et le nombre de ses Ayants Droit, ces critères de "confort" abusifs et discriminatoires n'ayant aucune portée constitutionnelle. A moins d'un réveil des Ayants Droit qui doivent quand même compter plusieurs millions de citoyens de la France d'en bas, nous n'en prenons pas le chemin...

Outre le nombre des Sections reconnues de droit estimé au début de cet article (Pour en laisser les droits dans l'ombre et ne pas attiser la guerre judiciaire, l'Administration évite autant que possible d'en établir le nombre exact) il existe un nombre incalculable de Sections en sommeil dites virtuelles car fonctionnant depuis de nombreuses années sans avoir jamais donné lieu à un acte de reconnaissance Judiciaire ou de l'Autorité Publique. Elles se repèrent dans les communes généralement à travers l'existence de terrains appelés "communaux" et à l'absence apparente de titres de propriété (trop anciens, perdus ou inexistants) sur des propriétés foncières utilisées collectivement pour cultures, pâturages et affouages. Ceci complique encore la situation. En effet les bureaux de légalité des Préfectures semblent majoritairement incapables ou peu enclins à endiguer les débordements de certains Maires inaptes à assumer leurs nouvelles libertés d'entreprendre issues de la décentralisation. Du coup des Associations se créent pour palier ces carences, qui provoquent le réveil de ces Sections dormantes pour contrarier les projets des Conseils Municipaux sur leurs propriétés.

En Isère 30 Sections de Communes environ sont recensées dont cinq fonctionnent avec une Commission Syndicale. Comme partout ailleurs en France les Sections virtuelles y sont innombrables et leur réveil paraît inexorable quoique lent, face aux inévitables dérapages de la décentralisation. Au reste les Maires qui se plaignent aujourd'hui des Sections seront les premiers à se plaindre demain des dérapages symétriques des Communautés de Communes à l'égard des propriétés communales.

Pour conclure il paraît bien certain qu'aussi longtemps que les Maires et les fonctionnaires resteront les seuls représentants officiels des Sections dont ils convoitent les biens mal défendus (3) aucune solution ne sera trouvée aux problèmes qu'ils créent par leurs tentatives d'appropriation des biens sectionaux. Les conflits encombreront de manière croissante les tribunaux du fait de la montée en puissance des Ayants Droit et de leurs Associations qui se heurtent à une complète ignorance et à une résistance méthodique, obstinée et sournoise de l'Administration qui les contraint à un recours quasi permanent aux pouvoirs de la Commission d'Accès aux Documents Administratifs et aux Tribunaux.

(1) 100 000 paroisses formèrent environ 40 000 communes en 1793. La différence représente le nombre de paroisses annexées, théoriquement toutes propriétaires de biens et ainsi spontanément transformées en sections. Il faut aussi noter que certaines paroisses étaient divisées en sections de paroisses possédant leurs biens propres. Leur nombre est inappréciable. Une estimation d'environ 200 000 sections de communes au lendemain de la révolution ne paraît pas déraisonnable. La plupart sont dormantes mais leurs droits et titres perdurent.

Il faut aussi mentionner les biens communaux, propriétés de groupes d'habitants directement affectés en 1793 aux communes exactement superposées aux groupes propriétaires, mais ne faisant pas partie de leur domaine privé car les droits anciens ont en théorie perduré selon les dispositions de l'article 542 du Code Civil.retour

(2) dérogatoire au droit commun en ce qui concerne les pouvoirs de la Commune comme le précise l'arrêt LEVAIS du Conseil d'Etat.retour

(3) une Association Force de défense des Ayants Droit de Sections de Communes à été récemment créée sous le sigle de "AFASC" pour défendre leurs intérêtsretour



1867

Traité théorique et pratique de DROIT PUBLIC et Administratif par A.BATBIE

§ 4 — La Section de Commune
145. Le mot section est pris dans un sens plus ou moins étendu dans la législation administrative, mais on peut ramener à deux acceptions principales les dispositions où il est employé. Il désigne toujours une portion territoriale de la commune ; tantôt cette fraction a un patrimoine et des droits propres qui en font une personne morale ; tantôt elle n'est qu'une division fondée sur l'utilité administrative et la facilité de quelque service public. C'est, dans cette dernière signification que la section est entendue par la loi municipale du 5 mai 1855, art. 7, qui donne au préfet le droit de diviser le territoire communal en sections électorales. La matière du cadastre nous fournira, plus tard, un autre cas où la section a un caractère purement administratif. La commune peut aussi, au point de vue du culte, être partagée en plusieurs circonscriptions. Des divisions semblables sont faites quelquefois pour la distribution des secours, chaque section ayant un bureau de bienfaisance(1). L'art. 3 de la loi du 5 mai 1855, prévoyant le cas où un empêchement quelconque rend la communication impossible entre la commune et une portion de son territoire, se sert du mot fraction, au lieu de section ; mais c'est encore une section faite au point de vue administratif. Nous n'avons à nous occuper ici que de la section de commune prise dans le premier sens, c'est-à-dire de celle qui ayant des droits et un patrimoine propres est constituée en personne morale.

(1) La régularité de la création de plusieurs bureaux de bienfaisance, dans la même commune, a été reconnue à plusieurs reprises. — V. avis du comité de l'intérieur du 25 août 1835. — Décret du 25 janvier 1860 qui autorise la création d'un bureau de bienfaisance à Mont-Saint-Éloy (Pas-de-Calais), pour la section d'Écoivres, et décret du H décembre 1861 qui autorise la création d'un bureau de bienfaisance à Longwy (Moselle) pour la section de Longwy-Bas. Décret du 21 juillet 1862 (commune de Martial (Aveyron), section d'Elbes). V. Léon Àucoc, Des sections de communes, p. 12 et suiv.

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146. L'ordonnance royale d'août 1609 sur les eaux et forêts, tit. XIX, art. 3, suppose l'existence, au sein des communautés, de hameaux ou sections ayant des droits propres. Il prescrit " aux officiers d'assigner à chacune " paroisse, hameau, village ou communauté usagère, " une contrée particulière, la plus commode qu'il se " pourra, en laquelle, ès-lieux défensables seulement, " les bestiaux puissent être gardés et menés séparément sans mélange de troupeaux d'autres lieux." L'art. 6 du même titre dispose que tous les bestiaux de la même paroisse ou hameau seront marqués à une empreinte, et l'art. 9 porte que les pâtres seront nommés annuellement en assemblée générale des habitants, à la requête et diligence " des procureurs ou " syndics de chaque paroisse, ou principaux habitants " des hameaux et villages, " A quelle époque remontait la constitution de ces sections '? Il est probable que les seigneurs, quand ils concédaient des droits d'usage, les donnaient de préférence aux groupes qu'ils voulaient favoriser et développer. D'un autre côté, lorsque les habitants mettaient des biens dans l'indivision, cette convention n'avait lieu qu'entre personnes rapprochées et groupées par des intérêts identiques. Cette création de pâturages communs était donc indépendante des relations administratives avec la commune, et ce que l'on recherchait, avant tout, c'était le rapprochement de fait. Il en était de même lorsque des habitants du hameau achetaient des droits d'usage ; ils ne s'inquiétaient pas de la communauté entière, et traitaient directement sans s'adresser à leurs procureurs, syndics ou consuls. Ces faits expliquent pourquoi, lorsque l'ordonnance de 1669 a été faite, il y avait déjà des hameaux ou sections doués d'une existence propre au sein de la communauté. L'ordonnance, il est vrai, ne parle que des droits d'usage, ce qui semble exclure la possession des terres, en propriété, par les sections de communes. Il y a cependant quelques coutumes qui parlent de propriétés appartenant aux hameaux et villages. La vérité est que, le plus souvent, les droits des sections consistaient en droits d'usage, mais qu'il y avait aussi dans quelques pays des biens appartenant en propriété à des hameaux ou villages (1)

(1) coutumes de la Marche, ch. XXIX, art. 359 et 360, et coutumes d'Auvergne. Les coutumes générales d'Auvergne, titre XXVIII, et certaines coutumes locales du haut et du bas pays d'Auvergne, portaient que les " pasturages se limitent par paroisse, et ceux de la même paroisse se limitent " par village, posé que soient de même justice. " M. Caffin (Droits de propriété des communes) a soutenu que le partage ne portait pas sur la propriété, mais sur l'usage. " C'était, dit-il, un règlement de l'ordre des pâturages et " non une division de la propriété. " La thèse de M. Caffin est combattue par M. Aucoc, Oper. citat., p. 54 et suiv. Cette question a été discutée dans les conseils généraux des départements intéressés, et ces "délibérations ne mettent pas en doute que les sections n'eussent droit à la propriété (Recueil des vœux des conseils généraux au sujet de la législation relative aux biens communaux, p. 36, 37,135, 190).

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147. Des causes postérieures à 1789 ont concouru à augmenter le nombre des sections de commune. La loi du 22 décembre 1789, art. 7, avait créé 44.000 municipalités en disposant qu'il y en aurait une dans " chaque ville, bourg, paroisse ou communauté de campagne. " L'Assemblée constituante ne tarda pas à s'apercevoir que cette disposition avait créé des communes très minimes, où il était même difficile de constituer une autorité municipale. Aussi dans une loi en forme d'instruction, des 12-20 août 1790, tit. I, § 3, l'Assemblée invitait-elle l'administration départementale à favoriser et provoquer les réunions des petites communes.

Nonobstant cette délégation aux autorités des départements, plusieurs réunions furent même ordonnées directement par des lois spéciales 1. Quelques réunions furent ordonnées par l'Assemblée législative et la Convention (2). D'après la constitution du 5 fructidor an III, il n'y avait qu'une municipalité par canton, et les autres communes n'avaient qu'un agent municipal' chargé de la police et un adjoint. Afin de ne pas multiplier les fonctionnaires, la loi du 12 nivôse an IV disposa que les communes seraient réunies de manière que, par canton rural, il n'y aurait que trois ou quatre agents municipaux. La loi du 28 pluviôse an VIII, sur l'administration intérieure, rendit à toutes les communautés leur individualité et une administration séparée ; mais elle consacra les réunions déjà faites, en limitant l'institution d'un maire et d'un conseil municipal aux communes qui, auparavant, avaient un agent municipal. Sous la Restauration et le gouvernement de juillet, l'administration n'a pas cessé de favoriser ces réunions. Mais les ordonnances qui les approuvaient n'ont été publiées au Bulletin des lois qu'à partir de 1830.

(1) Lois des 4-9 sept. 1790 (Tonneins), 13-19 octobre 1790 (Saint-Léonard-Ductalet Cottis). 14-19 octobre 1790 (Fresnoy et Frey-les-Prés), 9-17 novembre 1790 (Bouilihaysses, Rodillou, Caissargues et Garoux), 12-18 février 1791 (La Guillotière).

(2) Lois des 8-18 juillet 1792 (Saint-Jean-Aubouin et La Rivière), 24-30 novembre 1791 (Saint-Flour), 18-22 juillet 1792 (municipalité' du Temple),'13 prairial an II (Plaïnville et Ârmentières), 28 prairial an II (Neuf-Saar-verde et Rotiquenon, 4 messidor an II (Montleau et Montcoupot), 7 ventôse an II {Ornolacj Quée, Arnava, Arignac et Bonpas), 4 vendémiaire et 29 vendémiaire an III (Donner, Gravières et Tagis).

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148 - Une autre cause de création de sections se trouve dans la disposition de la loi du 10 juin 1793" dont l'art. 1er du tit. IV attribue, les biens vacants aux communes et sections de commune. Ces biens appartenaient auparavant aux seigneurs, en vertu de leur droit de justice, et les habitants n'en avaient qu'une jouissance de fait. La loi de 1793 en a donné à ces derniers la propriété dans la mesure de cette jouissance de fait et par cette disposition a augmenté le nombre des sections (1). Une dernière cause, d'après quelques jurisconsultes, se trouve dans les dons et legs qui ont été faits à des sections de commune.

En résumé, les sections de commune ont été créées : 1° par les concessions faites spécialement aux villages et hameaux ; 2° par les conventions des habitants des villages et hameaux, constituant des propriétés ou pâturages communs ; 3° par les réunions de communes, faites, après 1789, administrativement ou législativement ; 4° par l'attribution aux sections des terres vaines et vagues dans la loi du 10 juin 1793 ; 5° suivant un système contestable, par les dons et legs faits à dès fractions de commune.

(1) Trolley, Hiérarchie administrative, t. IV, p. 345, — Aucoc, Sections, p. 76 et suiv. — Cour de Caen, arrêts des 8 juin 1836 et 14 août 1839. Contra. Jugement du tribunal de Fontainebleau, du 22 février 1860 (journal le Droit, numéro du 21 avril 18G0) reproduit par M. Aucoc, op. cit., p, 85

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149 Il n'est pas toujours aisé de distinguer les biens de la section de ceux qui appartiennent à la commune, D'après un premier système, il faudrait présumer que les biens sont à la commune, et cette présomption ne céderait que devant les titres produits en faveur de la section. Ainsi, quand même les habitants du hameau posséderaient les biens ou pâturages, ils ne seraient pas dispensés de prouver par des titres qu'ils y ont un droit exclusif(1) Cette présomption, qui n'est écrite nulle part, ne peut pas être justifiée par l'historique des biens communaux et sectionnaires. Souvent, en effet, les biens ont été donnés directement aux villages et hameaux, et ces hameaux ont eu à l'origine une existence séparée. Il est donc plus naturel de suivre la présomption qui résulte de la possession, et d'appliquer le droit commun sur le possessoire et le pétitoire. Ainsi la charge de la preuve incomberait à la commune demanderesse contre la section défenderesse, cette dernière étant en possession.

Si la commune avait été propriétaire à l'origine, la section aurait-elle prescrit par une possession exclusive pendant le temps fixé pour prescrire ? Dans la plupart des cas, la possession de la section sera équivoque et promiscue, ce qui rendra l'usucapion impossible. Cependant si la possession était assez caractérisée et réunissait les conditions énumérées par l'art. 2229 du Code Napoléon, nous pensons que la section aurait régulièrement usucapé.

(1) La Cour d'Orléans, par arrêt du fi août 1842 (comm. de Mule), a décidé qu'il y avait présomption en faveur de la commune, et que c'est à la section à prouver par titres. Dans le même sens, Caffln, op. cit., p. 62, et contrat Aucoc, op. cit., p. 120"

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150- L'existence des sections de commune est consacrée par la loi du 18 juillet 1837, art. 5, 6, 56 et 57, et par la loi du 28 juillet 1860 sur la mise en valeur des biens vacants, marais et terres vagues. Ces dispositions remplissent une lacune du Code Napoléon ; car, ce Code a parlé des communes et autres personnes morales, sans dire un mot des sections.

Quels sont les caractères de la section et comment est-elle constituée ? La section diffère d'une réunion de propriétaires par indivis. En effet, les propriétaires ont un droit permanent et transmissible, qui les suit en quelque lieu qu'ils établissent leur résidence ou leur domicile. D'un autre côté, chaque copropriétaire peut faire cesser l'indivision et, d'après l'art. 815 du Code Napoléon demander le partage. Au contraire, les habitants d'une section de commune sont tenus de résider sur le territoire de la section, et perdent tout droit dès qu'ils transportent ailleurs leur habitation. Les biens de la section ayant été affectés à l'utilité des habitants, chacun des ayants droit n'est pas recevable à demander un partage qui détruirait ce qui a été établi pour l'intérêt commun du hameau. La section est donc une communauté territoriale, et une personne civile, ayant son patrimoine propre. Les biens qui lui appartiennent sont, comme ceux de la commune, soumis à la législation qui interdit le partage entre habitants. L'application de l'art. 815 du Code Napoléon serait évidemment incompatible avec cette circonstance que le droit des habitants est subordonné à leur résidence et aussi avec le but d'utilité commune qu'avait la constitution du patrimoine de la section.

Il se pourrait que les biens eussent cependant été mis en commun par plusieurs familles composant le hameau, à titre de biens indivis pour ces propriétaires et leurs représentants successifs. On en jugera par les titres, qui ont constitué cette communauté, et si, d'après les clauses, le droit est indépendant de la résidence sur le territoire de la section, l'art. 815 du Code Napoléon sera applicable. C'est une interprétation des titres à faire par les tribunaux. (V. jugement du tribunal de Rodez du 8 janvier 1850 et arr. de Nancy du 11 juin 1846. Fréjeville c. Bijeon.)

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151- Quelques écrivains ont dit que la section est constituée par cela seul qu'une fraction de la commune avait des droits propres et sans qu'aucun acte de l'autorité administrative en consacrât l'existence(1). Cette proposition est trop absolue. Les sections de commune antérieures à 1789 ont été constituées suivant les lois du temps où elles ont pris naissance ; celles qui ont été formées postérieurement, ont été consacrées par les lois des 10 juin 1793 et 18 juillet 1837. Il peut donc se faire que, dans le passé, des sections aient été formées sans aucune formalité. Mais aujourd'hui une section nouvelle ne pourrait être fondée que dans les cas prévus par les art. 5 et 6 de là loi du 18 juillet 1837. Il ne suffirait donc pas qu'un testateur donnât à une fraction de la commune des biens ou des droits pour que la section fût constituée, si elle ne l'était déjà en vertu des lois antérieures. Il ne dépend pas, en effet, des donateurs ou testateurs de faire des personnes morales, et ce qui le prouve, c'est que l'arrondissement ne peut pas recevoir une libéralité, quoique ce soit une circonscription parfaitement déterminée Il serait bien extraordinaire que le donateur pût faire, par sa volonté seule, sortir du néant une personne morale en délimitant une part de la commune pour faire une libéralité à ses habitants. Nous avons dit plus haut que la donation en faveur d'un arrondissement ne pouvait être faite qu'au département avec la charge d'en faire profiter spécialement la circonscription que le donateur a voulu gratifier. Il n'en peut pas être autrement pour la commune. Si donc un donateur veut avantager un hameau qui n'a pas été régulièrement constitué en section, il ne peut que donner à la commune, sous la condition qu'elle en fera particulièrement profiter telle ou telle fraction(2)

(1) L. Aucoc, Sections de commune, p. 95, n° 44. Un arrêt de la Cour de Bourges, du 19 décembre 1838 (commune de Nansay c. hameau de Souesmes) a rejeté la demande d'un hameau sur ce fondement qu'aucun acte administratif ne l'avait constitué en section d'une façon régulière, et que même il ne figure pas parmi les sections cadastrales.

(2) Dans un chapitre très intéressant de son ouvrage sur les Sections de commune, M. L. Aucoc fixe par approximation le nombre des sections à environ 30 000. M. Aucoc s'est d'abord servi des tableaux dressés en 1860 par l'administration des contributions directes. Ils indiquent, par département, le nombre des communes et des sections propriétaires, nombre qui est exprimé par un chiffre unique. Mais on connaît le nombre des communes par le recensement de 1861 (décr. Du 11 janvier 1862, qui arrête officiellement le travail de recensement), et en le déduisant des chiffres portés aux tableaux des contributions directes, on arrive à déterminer le nombre des sections. Le calcul fait sur 31 départements a donné un nombre de sections égal à 16 887. (V. p. 150 et 151.) Ce total n'est pas tout à fait exact, et il y a lieu d'en élever le chiffre parce que souvent les communes ne sont pas propriétaires, ce qui augmente d'autant le nombre des sections propriétaires. Ordinairement, en effet, les pâturages communaux appartiennent aux sections et non aux communes. Le chiffre 16,887 n'est d'ailleurs que le résultat d'un travail fait sur 31 départements, et certainement, dans les autres départements, il y a des sections de commune. Ainsi il est constant que dans certains départements (la Gironde, la Dordogne, l'Eure et autres) qui ne sont pas portés dans le tableau des contributions directes, il y a eu des réunions de communes, et que ces communes ont eu des procès nombreux et fort animés, ce qui implique l'existence de sections. M. Aucoc prouve d'ailleurs que, même pour les 31 départements sur lesquels a porté le travail des contributions directes, les chiffres manquent d'exactitude.

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152- Les sections de commune n'ont pas de représentation permanente distincte, et le plus souvent elles sont représentées par l'autorité municipale de la commune où elles sont situées. La proposition de leur donner un syndic permanent ayant été faite à la chambre des députés dans la discussion de la loi du 18 juillet 1837, l'amendement fut repoussé, et la loi s'est bornée à leur donner une représentation particulière dans quelques cas déterminés qui sont au nombre de cinq(1).

1° Lorsqu'une section a un procès à soutenir contre la commune, l'art. 56 delà loi du 18 juillet 1837 dispose qu'il " sera formé pour cette section une commission syndicale de trois ou cinq membres, que le " préfet choisit parmi les électeurs municipaux et, à leur défaut, parmi les citoyens les plus imposés. " L'action est suivie par celui de ses membres que la " commission syndicale désigne à cet effet. " D'après l'art 57, lorsqu'une section plaide, non "contre la commune mais contre une autre section* on forme une commission syndicale pour chaque section. On ne veut pas que l'une d'elles soit représentée par le conseil de la commune afin de maintenir entre les parties une complète égalité, Si l'une avait été représentée par le conseil municipal et le maire tandis que l'autre n'aurait été défendue que par une commission syndicale, l'inégalité d'influence aurait été à craindre et, en tout cas, la section défendue par le syndicat se serait considérée comme sacrifiée.

" Ainsi, dit-il, au chiffre de 16 887 sections que nous avons déduit du tableau des communes et sections imposées à la taxe des biens de mainmorte, il faut joindre environ 2 500 sections pour le département de la Corrèze, 4 394 pour le département de la Creuse, 1 519 pour le département de la Lozère ce qui donnerait déjà un total de plus de 25 000 (28 280). Si l'on tient compte des différentes causes qui nous empêchent d'arriver au' nombre vrai des sections pour les départements que nous avons énumérés dans notre tableau, et de connaître celles qui existent dans les autres départements, on trouvera sans doute que nous n'exagérons rien en portant à 30,000 le nombre dés sections de commune, " (Aucoc, op. cit., p. 159.) (1) Proposition de M. de Montlosier rejetée dans la séance du 27 mars 1835.

(1) Cire, du 30 avril 1838 et arr. du cons. D'État du 26 août 1853 (comm. 'le Poix)

2° Les sections ont une représentation particulière lorsqu'elles sont intéressées dans des modifications de circonscription ayant pour but de les distraire d'une commune, de les réunir à une autre ou de les ériger en communes séparées (art. 3 de la loi du 18 juillet 1837). Mais cet article ne s'applique pas uniquement aux sections personnes morales et il faut l'entendre " de toute portion habitée de la commune *. "

3° Elles ont, d'après la loi du 28 juillet 1860, une représentation spéciale lorsqu'il s'agit de mettre en valeur les terres incultes qui leur appartiennent. L'art. 2, dernier alinéa de cette loi porte, que " s'il s'agit de biens appartenant à une section de commune, " une commission syndicale, nommée conformément " à l'art. 3 de la loi du 18 juillet 1837, est préalablement consultée. " Cette commission n'est donc pas, comme dans le cas prévu, par l'art. 56 de la loi du 18 juillet 1837, nommée par le préfet, mais par les électeurs de la section. Le préfet est seulement compétent pour fixer le nombre de membres dont la commission sera composée. Cette élection est faite conformément à la loi municipale du 5 mai 1855, et le recours est soumis aux mêmes règles que le recours contre les élections du conseil municipal (1). Cette commission n'est d'ailleurs appelée qu'à donner un avis et c'est au conseil municipal qu'appartient la délibération et l'initiative.

(1) Arr. du 29 avril 1863 {Foudeville).

4° Si, en cas de vente ou d'amodiation des biens appartenant à une section, l'argent provenant du prix du fermage doit profiter en partie à la section et en partie à la commune, la section serait représentée par une commission syndicale nommée conformément à l'art. 3 de la loi du 18 juillet 1837, la commune étant toujours représentée par le conseil municipal

5° Enfin, la section a une représentation spéciale toutes les fois qu'il s'agit d'établir une imposition extraordinaire qui doit particulièrement peser sur ses habitants, et dont le produit est destiné à payer une dépense à leur charge. La représentation spéciale consiste, en ce cas, dans l'adjonction au conseil municipal d'imposés en nombre égal à celui de ses membres, et uniquement pris parmi les plus haut taxés de la section.

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153. Lorsque la section est représentée par le conseil municipal et le maire, le conseil municipal a les mêmes pouvoirs à l'égard des biens de la section que pour les biens de la commune. Ainsi d'après l'art. 17, de la loi du 18 juillet 1837, le conseil municipal peut décider que les biens de la section, au lieu d'être livrés à la jouissance en nature des habitants, seront affermés, et cette délibération sera exécutoire si elle n'est pas annulée, par le préfet, dans les trente jours (1).

De même, la délibération du conseil municipal portant que les biens de la section seront, vendus serait exécutoire moyennant l'approbation du préfet (2) . Est-ce à dire que la section de commune n'a aucune garantie contre les abus de pouvoir de l'administration de la commune ? Premièrement, l'art. 7 de la loi du 5 mai 1855 donne au préfet le droit de diviser la commune en plusieurs sections électorales et de déterminer le nombre de conseillers qui seront nommés par chaque section, en tenant compte du nombre des électeurs inscrits 3. Le préfet pourra et devra faire concorder les sections électorales avec le territoire des sections personnes morales. Si, malgré cette précaution, la majorité du conseil abuse de ses pouvoirs contre la section, les intéressés dénonceront la délibération au préfet, qui a le pouvoir d'annulation.

Dans quels cas la section est-elle représentée par l'administration municipale ? Toutes les fois que la section n'est pas en opposition d'intérêts avec la commune.

Il arrive souvent, au contraire, que la commune et la section ont des intérêts ou des droits différents, et de cette opposition sont nées les plus graves et les plus fréquentes contestations. La loi du 18 juillet 1837 aurait pu en tarir la source, car la rédaction des art. 5 et 6 sortit d'une longue discussion où toutes les questions furent agitées, soit à la chambre des députés, soit à la chambre des pairs. Mais la discussion s'étant établie entre les opinions les plus extrêmes, le système qui fut adopté eut le caractère d'une transaction et, comme il arrive souvent en pareille occurrence, beaucoup de questions demeurèrent non résolues.

(1) Arr. du cons. D'Et. des 24 janvier 1856 (section de Saint-Louand c. commune de Beaumont) et du 17 mars 1857 (Lernoine c. comrn. De Louviers).

- Un avis du conseil d'État, du 17 août 1832 [section de By c. commune de Bégadan), a décidé qu'une section ne pouvait pas être autorisée à changer la jouissance d'un bien lui appartenant, si le conseil n'en avait pas fait la demande.

(2) Arr. de la Cour de cass. Du 23 avril 1855 [comm. D'Huismes, c. section de Saint-Mexmes).

3 Le préfet est obligé de tenir, dans la répartition" compte du nombre de sélecteurs inscrits, à peine de nullité des élections municipales (arr. du cons. D'Ét. du 2 mai 18G1,''élections de la commune de Matha ; arr. du 23 mai 1861, commune de Plouaret, et arr du 6 août 1861, commune, de Tocqueville-Bènarville).

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154. L'art. 5, qui prévoit le cas où une commune est réunie à une autre, distingue : 1" entre les biens dont la commune réunie jouissait en nature; 2° les édifices ou autres immeubles servant à un usage public. Pour les premiers, il dispose que les habitants de la commune réunie en conserveront la jouissance telle qu'ils l'avaient auparavant et, quant aux seconds, ils deviennent la propriété de la commune à laquelle est faite la réunion.

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155. l y a dans cette disposition plusieurs lacunes. D'abord elle ne s'occupe pas des biens affermés, dont la commune réunie tirait un revenu en argent, catégorie intermédiaire entre les biens dont les habitants jouissent en nature, et les immeubles consacrés à un service public. Si la commune réunie avait des biens affermés, la section formée par cette réunion aurait-elle un droit exclusif à la propriété de ces biens ou la commune tout entière en serait-elle propriétaire ? L'art. 5, loin de résoudre cette difficulté, fournit un argument à contrario à l'affirmative et à la négative ; car, puisque la loi ne conserve aux habitants de la commune absorbée que les biens dont ils avaient la jouissance en nature, on peut conclure que les biens affermés cessent de leur appartenir après la réunion ; d'autre part, là loi n'attribuant à la commune absorbante que les immeubles affectés à un service public, on peut en tirer la conséquence que les biens affermés ne lui sont pas attribués. La solution flotte entre deux arguments à contrario, tirés de la même disposition. Ainsi posée, la question me paraît être d'une solution facile ; car, dans le doute, la propriété doit l'emporter par la puissance du droit antérieur. Entre deux arguments à contrario, dont l'un s'éloigne du droit de propriété tandis que l'autre y ramène, l'hésitation est impossible, et il faut évidemment adopter celui qui tend à consacrer l'état de choses préexistant. Il est juste d'ailleurs que la commune réunie ne soit pas privée de la propriété de ces biens parce que, si plus tard elle vient à être distraite, il faut qu'elle retrouve les biens qu'elle avait avant la réunion. Sinon, elle aurait perdu son patrimoine dans cette réunion transitoire et, contre toute équité, la commune absorbante aurait gagné, par cette union temporaire, tous les biens de la section (1).

Si la propriété appartient à la section, il en doit être de même du prix de vente dans le cas où les biens seraient aliénés après la réunion. Il n'y a véritablement aucune bonne raison pour décider relativement au prix autrement que sur la propriété de l'immeuble. Nous avons même quelque peine à comprendre que des écrivains recommandables aient fait deux questions là où il n'y en a qu'une, et, surtout qu'ils leur aient appliqué deux solutions différentes. La logique n'admet que l'une ou l'autre des décisions suivantes : ou l'absorption par la commune de toutes les propriétés autres que celles dont les habitants ont la jouissance, or le droit exclusif de la section tant sur le revenu des biens en nature que sur leur prix en cas d'aliénation.

(1) Contra Trolley, Hiérarchie administrative, t. I, p. G2 et suit. — Migneretj Traité de l'affouage, p. 362. — L'opinion émise au texte est soutenue par MM. Jèze, V CommuNe, Dictionnaire général d'administration,]). 436 ; Caffin, Droits de propriété des communes et sections de commune, p. 93 et suiv. ; Aucoc, Sections de commune, p. 238. — Circul. Du ministère de l'intérieur, du 29 janvier 1848.

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156 - Si la propriété des biens affermés reste à la section, en est-il de même des revenus qu'ils produisent ? Sur les fruits comme sur la propriété, la loi garde le silence. Selon nous, il faut interpréter ce silence dans le sens favorable au droit de la section ; car, ce droit ne pourrait céder qu'à une disposition formelle et, dans le doute, le droit d'usufruit doit être respecté tout autant que le droit de propriété dont il n'est que la conséquence (1)

Sans doute on ne dresserait pas deux budgets, un pour la commune et un autre pour la section ; mais dans l'emploi des deniers provenant du fermage des biens sectionnaires, l'administration communale devrait tenir compte de l'origine des biens et appliquer ces revenus aux besoins de la section.

(1) Lettres du ministère de l'intérieur, des 15 février 1834, 1" février 1837 et 28 juin 1844. — Arr. du Cons. D'Et. du 3 février (comm. D'Harprich et de Vallerange),

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157 Supposons maintenant que les biens dont les habitants avaient la jouissance en nature au moment de la réunion soient affermés postérieurement ; quelle destination recevront les deniers provenant de cette amodiation ? La solution de cette question découle de la précédente. Si la rente des biens qui étaient affermés au moment de la réunion appartient à la section, il en doit être de même, à plus forte raison du revenu des immeubles qui n'ont été affermés que postérieurement. L'intérêt de la bonne administration concourt avec l'équité à la même décision. Il est évident, en effet, que si les deniers provenant du fermage devaient être absorbés par la caisse communale, les habitants de la section résisteraient à la transformation du mode d'administration et que, pour faire prévaloir un changement profitable, il faudrait leur faire violence ; Au contraire, une modification utile sera facilement acceptée, si la section doit jouir des revenus des biens sous leur forme nouvelle (1)

Nous ne pensons pas qu'il faille décider autrement pour les biens dont la jouissance a été changée en fermage avant la réunion. Que le fermage ait remplacé la jouissance en nature avant la réunion ou après " les revenus provenant de ces biens seront consacrés aux dépenses de la section exclusivement et serviront à dégrever les habitants du village ou hameau des impositions extraordinaires que la commune lèverait pour faire des travaux d'utilité générale. Des arrêts ont décidé, pour les biens qui étaient affermés avant la réunion que les besoins spéciaux de la section une fois satisfaits, la commune pourrait consacrer l'excédant, s'il y en avait, à faire des dépenses générales. Ce tempérament ne me paraît pas être admissible. Si la section a un droit propret il s'étend à tous les revenus provenant de ces biens et, par conséquent, il faudra que l'excédant soit mis en réserve pour parer aux dépenses extraordinaires de l'avenir. Autrement, en supposant que pendant une année, la section eût des revenus abondants, la commune prendrait, en vertu de la jurisprudence, l'excédant dont la section n'aurait pas besoin, tandis que l'année suivante la section serait obligée de s'imposer pour les dépenses extraordinaires. Puisque la section a un droit, il faut le respecter jusqu'au bout et, par conséquent, capitaliser à son profit en prévision des dépenses futures (2)

(1) Cette solution est adoptée par la jurisprudence du Conseil d'État, et cette jurisprudence repose sur des décisions assez nombreuses pour que nous puissions la regarder comme étant définitivement établie. Air. Des 4 septembre 1856 (commune de Chinon c. Section de Parilly) ; 17 mai 1851 (Saint-Jean-de-Louviers c. comm. De Louviers) ; 10 février 1859 (section de Paisy c. comm. De Paisy-Cosdon) ; 2 février 1800 (comm. de Beaumont c. sect. de Saint-Louand). La jurisprudence administrative du ministère de l'intérieur a confirmé la jurisprudence du conseil d'État (Bulletin officiel du ministère de l'intérieur 1857, p. 215 ; 1858, p. 228 ; 1860, p. 119 ; 1862, p. 159, 193 et 488). — La doctrine est partagée. Dans le sens de la jurisprudence : Aucoc, Sections de commune, p. 243, n° 109. — Dalloz, 1857, p. 31. — Chauveau, Journal de droit administratif, 1858, p. 216. — Contra, Serrigny, Revue critique, 1857, p. 199. — Caffîn, Droits de propriété des communes. Ce. Dernier conteste la compétence du conseil d'État à deux points de vue : 1° parce que la question de l'emploi des revenus communaux est d'administration pure ; 2° parce que s'il y avait contentieux, il appartiendrait aux tribunaux ordinaires. L'emploi des revenus municipaux est assurément une question d'administration pure pour tout ce qui touche à l'opportunité de leur distribution. Mais entre la commune et la section, ce n'est pas l'opportunité qui fait l'objet de la contestation ; c'est une question de droit qui est à résoudre. Quant aux tribunaux ordinaires, ils ne sont pas compétents, parce qu'il s'agit, non d'une question de propriété, mais d'un excès de pouvoir contenu dans une délibération du conseil municipal approuvée par le préfet, c'est-à-dire d'un acte administratif. Le recours au conseil d'État par la voie contentieuse est le seul moyen de faire tomber un acte administratif pour excès de pouvoir. La Cour de cassation s'est prononcée en ce sens (arr. du 23 avril 1S55 comm. d'Huismes c. sect. de Saint-Mexmes), — Trolley, Hiérarchie, t, I, p. 78).

(2) J'ai le regret de me séparer ici des opinions de M. Aucoc. Il distingue entre les biens qui étaient affermés avant la réunion et ceux qui l'ont été depuis. Pour les premiers, la commune pourrait employer les revenus des fermages à la satisfaction des besoins généraux, sauf à accorder la préférence à la section, si celle-ci a des besoins particuliers. " Mais l'emploi des sommes, dans ce cas, ne soulève, dit-il, qu'une question de convenance et d'opportunité. " II décide, au contraire, que pour les biens affermés depuis la réunion, la section a un droit à ce que les revenus tournent exclusivement, à son profit. Nous n'apercevons pas qu'il y ait aucun motif rationnel de faire cette distinction et, d'un autre côté, elle n'est écrite dans aucun texte de loi positive (Sections de commune, p. 275, n° 117).

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158 - D'après l'art. 6 de la loi du 18 juillet 1837, lorsqu'une section de commune est érigée en commune séparée, " elle emporte la propriété des biens qui lui appartenaient exclusivement. Les édifices et autres immeubles servant à un usage public, et situés sur son territoire, deviendront la propriété de la nouvelle commune ou de la commune à laquelle sera faite la réunion. " II y a dans cette disposition une lacune considérable ; elle ne parle que des biens qui appartenaient à la section d'une manière exclusive. La section n'aura-t-elle aucune part aux biens de la commune dont elle est séparée?

Si elle prend sa part de ces biens, sur quelles bases et de quelle manière se fera le partage ?

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159- Supposons d'abord que dans la commune, dont une fraction est détachée, il y eût des immeubles dont les habitants jouissaient en nature. La séparation ne portera pas atteinte à la jouissance des habitants séparés, et par suite la nouvelle commune sera copropriétaire, avec l'ancienne, des immeubles soumis à l'usage individuel. Ainsi le pâturage et l'affouage(1) appartiendraient en commun aux habitants et la propriété aux deux communes. Il n'en serait pas de même des immeubles qui étaient affermés avant la réunion ; la nouvelle commune n'aurait aucun droit à réclamer sa portion parce que l'ancienne peut en garder la propriété exclusive sans qu'il en résulte un changement dans la position personnelle des habitants. La jurisprudence admet cependant une exception pour les immeubles qui ont été donnés à la commune en vue d'assurer la distribution des secours publics- La propriété de ces biens confère, pour ainsi dire, des avantages individuels aux habitants, et c'est pour cela qu'en se plaçant au point de vue de l'esprit de la loi, la jurisprudence a décidé que la fraction. Séparée aurait sa part dans la propriété de ces biens(2).

(1) Un arr. du 7 février 1858 (comm. De Jandun) a décidé que le droit d'affouage étant attaché à la qualité d'habitant de la commune, ce droit n'appartenait pas aux habitants de la portion détachée, parce qu'ils ne remplissent pas les conditions exigées par la loi. Cette décision est isolée ; elle ne peut pas faire jurisprudence, le motif sur lequel elle repose étant tout à fait erroné ; car, si la commune nouvelle est copropriétaire, les habitants remplissent la condition pour la part qui lui appartient. — Le principe de la copropriété est consacré dans l'arr. de la Cour de cass. Du 18 juillet 1861 (commune de Poussay). Mais les habitants séparés ne conservent pas, dans la commune dont ils sont détachés, le droit à la vaine pâture: C'est que la vaine pâture est une servitude et non un droit d'usage sur des biens communaux (loi des 28 septembre-6 octobre 1791, Ut. 1", section IV, art. 18). — Les sections érigées en communes séparées perdent également le droit à prendre leur part dans le varech ou goémon de rive, parce que la loi attache ce droit à la qualité de commune, riveraine de la mer (ord. D'août 1861, tit. X, et déclarations du roi des 30 mai 1731 et 30 octobre 1772).

(2) Arr. de la Cour de Poitiers, du 8 janvier 1862, et Cour de cass. Req.arrêt du 24 mars 1863 (comm, de Lagord).

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160 Quant aux biens affermés dont les habitants ne retiraient aucun avantage individuel, ils ne se partageât pas pour deux raisons : 1° parce que la commune qui en était propriétaire survit à la séparation, et 2° parce que les habitants de la fraction séparée trouveront dans le patrimoine de la commune, à laquelle ils sont réunis, une compensation à la perte du patrimoine de la commune qu'ils quittent. Il est vrai que ce motif ne s'appliquerait pas dans le cas où la fraction est érigée en commune séparée ; mais la loi ne distingue pas entre l'érection d'une fraction en commune séparée et sa réunion à une autre commune, et n'a fait qu'une seule disposition pour les deux cas se bornant à dire que la section emporte les biens dont elle avait la propriété exclusive. Donc elle n'emporte pas une part dans la propriété des biens appartenant à la commune. Si l'on fait exception pour ceux dont la possession donnait quelque avantage individuel aux habitants, c'est par équité et pour se conformer à l'esprit de la loi qui est manifesté dans l'art. 5

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161 - Il résulte de ce qui précède que les communes peuvent se trouver, avec des sections en état d'indivision dans deux circonstances. Cette indivision fait naître la question de savoir si le partage de ces biens peut être exigé et sur quelles bases il aura lieu, dans le cas où il sera ordonné. Tout ce que nous avons dit plus haut (V. supra, t. V, nOs 113 et 114) sur l'indivision des biens communaux entre deux communes est applicable à la copropriété entre deux sections, ou entre une commune et une section de commune. Nous nous contenterons de renvoyer à ce qui a été dit tant sur le partage des communaux entre les habitants que sur la division des biens entre les personnes morales copropriétaires (V. t. V, p. 104 et suiv.).

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162. Lorsque la section a des biens et des ressources propres, elle a aussi des charges particulières à supporter. Ainsi, elle acquitte la taxe de mainmorte établie par la loi du 20 février 1849 : le principal de la contribution foncière est payé conformément à la loi du 26 germinal an XI. Pour les biens affermés, l'impôt est acquitté par les fermiers ou locataires au moyen d'une déduction sur le prix du bail. Quant aux biens dont la jouissance est abandonnée en nature aux habitants, a la répartition de " la dépense n'aura lieu qu'entre les habitants qui " ont droit à la jouissance et toujours proportionnellement à leur jouissance respective. " (Loi du 26 germinal an XI. Art. 4.) La section supporte exclusivement les frais occasionnés par l'administration des biens qui lui appartiennent. Comme elle emporte une partie des biens qu'elle possédait indivisément avec l'ancienne commune, elle reste grevée d'une part proportionnelle dans les dettes, soit qu'on l'érige en. Commune séparée, soit qu'on la réunisse à une autre commune. Dans ce dernier cas, en particulier, il est juste que la commune, à laquelle se fait la réunion, ne profitant pas des biens de la section qu'on lui adjoint, elle ne soit pas chargée de ses dettes, même pour partie. Une juste compensation veut également que la section ne supporte pas les dettes de la commune à laquelle elle est réunie. En résumé, à l'égard de l'ancienne commune, les dettes sont partagées proportionnellement à la part de biens qui reste attribuée à chacune d'elles et, envers la commune à laquelle la section est réunie, les dettes anciennes demeurent séparées. Une disposition spéciale de la loi du 16 juin 1859 sur l'annexion des communes des faubourgs à la ville de Paris, porte que " les dettes des communes supprimées qui ne " seraient pas couvertes par l'actif de ces communes, " au moment de la suppression, doivent être acquittées parla ville de Paris. " (Art. 9 de la loi du 16 juin 1859.)

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163 - Les frais faits pour soutenir un procès relatif aux biens de la section sont supportés par la section, si elle succombe. De même pour les contestations entre la commune et une section, cette dernière en cas de perte du procès, supporterait seule les dépens. Mais la commune succombant, la section ne contribuerait pas au payement des frais mis à la charge de la commune. Autrement, les frais retomberaient partiellement sur la partie qui gagne son procès, et l'art. 130 du Code de procédure civile ne recevrait pas son exécution. Aussi l'art. 58 de la loi du 18 juillet 1837 dispose-t-il que la section, en ce cas, ne sera point passible des charges ou contributions imposées pour l'acquittement des frais et dommages-intérêts qui résulteraient du procès.

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164- Enfin, la section dont les habitants ont des droits d'usage est responsable des gardiens des troupeaux communs et, si des délits forestiers sont commis, par ces derniers, dans les bois où s'exerce le pâturage, elle supportera les amendes et dommages-intérêts auxquels ces gardiens pourraient être condamnés (art. 72, paragraphe dernier du Code forestier).

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165. La réunion d'une section à une commune donne quelquefois lieu à la création d'une nouvelle paroisse. Les frais du culte seront-ils supportés seulement par la section ou bien sont-ils une charge de la commune entière? Un avis du Conseil d'État, délibéré en assemblée générale le 9 décembre 1858, décide que les frais du culte sont une dépense générale de la commune, et que la section n'en doit pas être particulièrement grevée. Cet avis rejette même toute distinction entre les dépenses ordinaires et les dépenses extraordinaires du culte. Ainsi, même les impositions extraordinaires pour la construction d'un presbytère ou d'une église, doivent porter sur tous les contribuables de la commune. L'ancienne jurisprudence, au contraire, distinguait entre les dépenses ordinaires et les dépenses extraordinaires, ne mettant que les premières à la charge de la commune entière et faisant supporter les secondes exclusivement par la section. La solution adoptée par la nouvelle jurisprudence nous paraît être juste, d'autant que les églises, s'il y en avait sur le territoire de la section, sont devenues la propriété de la commune à laquelle la réunion a été faite. La section ne peut pas acquérir la propriété de nouveaux presbytères ou de nouvelles églises lorsqu'elle ne garde pas celle des églises et presbytères qu'elle apporte à la commune absorbante. Or, si ces édifices étaient construits avec des contributions extraordinaires levées sur les contribuables de la section, la section en garderait la propriété. Sinon, on tomberait dans cette anomalie, que la commune serait propriétaire de bâtiments construits avec les deniers de la section. La loi, en attribuant à la commune entière les édifices et autres immeubles servant à un usage public, suppose que les frais du culte sont une charge générale et que la commune est propriétaire de tous les édifices consacrés à ce service public, ce qui implique que leur construction est à sa charge (1) . Il en est de même de toutes les dépenses qui sont faites pour un service d'utilité générale, alors même que la section en retirerait des avantages particuliers ou même exclusifs. La raison en est que les services publics sont une charge de l'administration et, par conséquent, de la commune entière ; car, au point de vue administratif, la section n'existe pas et son absorption dans la commune est entière.

Au reste, quoique les dépenses du culte et des services d'utilité générale soient une charge de la commune, même quand une fraction en retire un avantage exclusif, nous ne contestons pas la faculté pour la section, de s'entendre avec la commune à l'effet de construire des bâtiments destinés à un service public * uniquement aux frais de la section. Lorsque la commune refuse de faire la dépense, les habitants d'un hameau peuvent offrir de la prendre à leur charge, et, en ce cas, l'accord fait ce que la commune n'a pas le droit d'exiger. Que la Section soit autorisée, quand elle le veut bien, à supporter une imposition extraordinaire pouf bâtir une église, un presbytère ou pour faire toute autre dépense générale, rien de mieux mais que la commue puisse lui faire supporter une dépense qui, par suite de là fusion administrative, est évidemment générale, c'est ce qui n'est conforme ni à la loi, ni à la nature des choses. On oppose, en ce qui concerne les dépensés du culte, le décret du 30 décembre 1809, art. 100 et la loi du 14 février 1810 qui, en cas d'insuffisance des revenus de la fabrique et de la commune, disposent que les grosses réparations seront faites au moyen de levées extraordinaires sur la paroisse,

Mais le mot paroisse ne paraît pas avoir dans ces dispositions une signification restreinte, et l'on voit par la comparaison entre les art. 99 et 100 du décret du 30 décembre 1809 que le mot paroisse est employé par l'art. 100 dans le sens où l'art. 99 employait le mot commune. Il n'y a aucune conclusion à tirer d'expressions qui ont été employées sans beaucoup de soin et par conséquent sans intention d'attacher les conséquences qu'on en voudrait faire sortir (2).

(1) M. Aucoc critique la nouvelle jurisprudence et lui préfère l'ancienne, p. 401jn<" 167 et suiv. V. aussi École des communes, août 1864, un article du même auteur. La section du contentieux a consacré la même doctrine que l'avis du 9 décembre 18S8, par l'arrêt du 23 juin 1864 (comm. de Riceys).

(2) Les auteurs qui ont écrit ayant l'avis du conseil d'État du 9 décembre 1858 enseignent la doctrine que la première jurisprudence du conseil avait consacrée. V. Davenne (Régime administratif des communes, t. I, g. 141), Dictionnaire général d'administration (v°. Commune, p. 363), Dalloz (t. IX, p. 340, n°427) ; Trolley (Traité de la hiérarchie administrative, t. IV, p. 450).

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166- Après avoir recherché les causes qui ont créé et peuvent créer encore les sections de commune, après avoir exposé quelles sont leurs ressources et leurs charges, il nous reste quelques mots à dire sur les causes qui peuvent en produire l'extinction. Si le hameau perdait ses habitants et qu'il n'en restât plus qu'un seul, la section subsisterait encore. L'unique habitant jouirait des communaux jusqu'à ce que de nouveaux habitants l'obligeassent à partager avec eux la jouissance. Ceux qui confondent les droits des sections avec l'indivision entre copropriétaires, décident que si la population est réduite à un seul habitant, l'indivision cesse et que le communal devient la propriété de l'habitant qui reste. Mais la section n'est pas une réunion de copropriétaires indivis ; c'est une personne morale, une communauté territoriale où les droits appartiennent aux habitants par le droit de la résidence, à quelque époque qu'ils s'y soient établis. Tant que le village ou hameau est habité, la section subsiste et, par conséquent, il est impossible qu'un habitant devienne propriétaire du communal ; car, la présence de cet habitant unique suffît pour perpétuer la section.

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167. Qu'arriverait-il si la dépopulation était complète et qu'il ne restât même pas un seul habitant dans le village ? Trois solutions ont été proposées. La première attribue ces biens à l'État conformément à l'art. 539 du Code Napoléon, qui déclare propriété domaniale les biens vacants et sans maître. La seconde en fait une propriété communale, la commune devant être préférée à l'État, à cause de sa proximité. Dans un troisième système on soutient que les biens de la section doivent être partagés entre les propriétaires des terres situées sur le territoire de la section, proportionnellement à l'étendue des biens qu'ils y possèdent (1). Ce dernier système me paraît particulièrement arbitraire ; les propriétaires des terres n'ont jamais eu droit aux biens de la section comme propriétaires. Comment une qualité, dont ils ne pouvaient tirer aucun droit pendant que la section existait, leur donnerait-elle une part des biens sectionnaires dès qu'elle cesse d'exister ? Cette répartition, disent ceux qui la proposent, est conforme à l'origine des biens parce que souvent les biens furent mis en commun, pour le pâturage, par les habitants d'un village ou d'un hameau. Mais l'origine de ces biens est fort variée, et une solution applicable à toutes les sections ne peut pas être tirée de la manière spéciale dont quelques-unes se sont formées.

D'un autre côté, la propriété de l'État, conformément à l'art. 539, implique que le bien est sans maître, et son droit, par conséquent, n'existe que si la commune n'est pas propriétaire. Or je crois qu'il faut se prononcer en sa faveur par la raison suivante. La commune absorbe en elle toutes les sections, et, si des droits propres à quelques-unes sont reconnus, c'est pour ne pas toucher aux avantages individuels que les habitants retiraient des biens du hameau ou village. N'était la crainte de troubler des existences habituées à la jouissance de ces biens, la section aurait été entièrement absorbée par la commune, au point de vue du patrimoine tout aussi bien qu'au point de vue de l'administration. Or, dès, qu'il n'y a plus d'habitants* l'obstacle à cette fusion disparaissant, le vœu de la loi peut recevoir son exécution, II n'est pas douteux que la loi aurait attribué tous les biens à la commune" si elle n'avait pas craint d'être injuste envers les habitants du hameau. Eh bien ! cessante causa cessat effectus et le village étant inhabité, aucune raison ne s'oppose plus à l'unification de la commune. La section n'est qu'une partie de la commune, une petite personne dans la grande, in eâ movetur, et dès que la fraction s'éteint, ce qu'elle a doit profiter au tout dans lequel elle vivait.-

(1) C'est le système que propose M. Aucoc, Sections, p. 144, n° 58. il s'appuie sur un passage de Chabrol sur la Coutume d'Auvergne (t. III, p. 549).

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1862 --- Traité théorique et pratique de droit public et administratif :

de Anselme Polycarpe Batbie, A Batbie

Lu dans http://fr.wikipedia.org/wiki/Image:MapHeuvelland.svg

Sections de communes
La section est une partie de la commune qui, régie par les mêmes magistrats que la commune, possède des biens propres et des droits exclusivement communs à ses habitants. Cette situation, qui se rencontre assez fréquemment, provient de causes diverses dont quelques-unes remontent à des époques fort anciennes*. La cause actuelle qui produit encore les sections se trouve dans la réunion de plusieurs communes sous une même administration ou dans la distraction qui détache une partie d'une commune et la réunit à une autre. Aucun acte officiel n'est nécessaire pour constituer la section qui est formée, en quelque sorte, par la force même des choses.

Les édifices ou biens quelconques affectés à un service public situés sur le territoire de la section appartiennent à la commune ; mais, en cas de distraction, elle emporte la propriété de ces édifices, et la loi l'attribue à la commune à laquelle la réunion est faite.

Quant aux biens dont les habitants jouissent en nature, ils appartiennent exclusivement, même après la réunion, à la section dont les habitants ont seuls droit à la jouissance commune. Si à la jouissance en nature l'administration jugeait à propos de substituer le fermage, le droit des habitants de la section serait transporté sur l'argent provenant du bail. La justice veut que la situation et les droits des habitants ne soient pas atteints par l'adoption d'un meilleur mode d'administration. Mais cette doctrine nous conduit plus loin, et si nous supposons qu'au moment de la réunion les habitants de la commune réunie fussent dans l'usage de se partager l'argent provenant de la location d'un champ autrefois communal, ils conserveront le même avantage. Car la solution de cette question ne saurait dépendre de la date, et il importe peu que le fermage soit antérieur ou postérieur à la réunion des communes

Ordinairement la section est représentée par le maire et le conseil municipal de la commune ; elle n'a une représentation spéciale que lorsque ses intérêts sont en opposition avec ceux de la commune. Quoique la loi du 18 juillet 1837 n'organise cette représentation particulière qu'en cas de procès, nous pensons qu'il faut étendre sa disposition à tous les actes judiciaires ou extrajudiciaires dans lesquels le conflit d'intérêts se produira.

Le préfet nomme une commission syndicale composée de trois ou cinq membres pris parmi les électeurs municipaux. La commission choisit un de ses membres pour agir ou contracter au nom de la section. La commission syndicale remplace le conseil municipal et ses délibérations doivent être approuvées par les mêmes autorités et dans les mêmes cas que les délibérations des conseils municipaux.

AUJOURD’HUI - UN EXEMPLE SECTIONS DE COMMUNE EN BELGIQUE

http://fr.wikipedia.org/wiki/Image:MapHeuvelland.svg

La commune de Heuvelland est composée de huit villages ruraux.

Les sections de Dranouter, Kemmel, Loker, Nieuwkerke, Westouter, Wijtschate et Wulvergem étaient autrefois des communes à part entière. De Klijte n'était pas une commune avant la fusion de communes, mais faisait partie de Reningelst.

Kemmel, Wijtschate, Nieuwkerke et Westouter sont les plus grandes sections, avec chacune plus de 1000 habitants. L'hôtel de ville et l'administration communale se trouvent à Kemmel, de même que le poste de police et le bureau de poste. Les quatre autres sections sont des villages de moindre importance.

D'autres groupements d'habitation sont présents sur la commune. Ainsi trouve-t-on sur les flancs du Mont rouge et du Mont noir des quartiers résidentiels mêlés à des établissements d'horeca et de commerce. Le centre de la commune de Messines s'étend également légèrement sur la commune du Heuvelland

 NomSuperficie (km²)Population (2001)
IKemmel12,991.170
IIWijtschate26,242.109
IIIWulvergem3,50264
IVNieuwkerke17,491.513
VDranouter10,73703
VILoker6,80572
VIIWestouter11,641.422
VIIIDe Klijte4,93576

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Médiévales

Territoires agraires et limites paroissiales

Samuel Leturcq

Lu dans http://medievales.revues.org/document1300.html

Résumé

Le " terroir ", territoire sur lequel une communauté paysanne exerce une compétence en matière agraire, est une réalité mal connue des campagnes médiévales et modernes. En l'absence de sources définissant précisément cette réalité spatiale, les historiens tendent volontiers à confondre territoire agraire et territoire paroissial. De nombreux exemples, répartis sur l'ensemble du territoire français, montrent toutefois que cette confusion doit être évitée ; le territoire agraire possède une cohérence assise sur une logique d'exploitation foncière étrangère aux préoccupations religieuses ou fiscales de la paroisse. Une paroisse peut être morcelée en plusieurs territoires agraires, ou alors être intégrée toute entière, ou en partie, dans un territoire dont l'existence juridique est fondée sur des ententes intercommunautaires.

Territoire paroissial / territoire agraire : des ressorts territoriaux nettement distincts

Le territoire agraire, une réalité à géométrie variable

L'étude de la relation existant entre la paroisse et les territoires agraires exige quelques éclaircissements sémantiques préalables. L'expression " territoire paroissial " ne pose pas de réel problème de définition, dans la mesure où il s'agit d'une réalité institutionnelle tangible et largement reconnue, à laquelle se réfèrent couramment les actes publiques et privés.

L'expression " territoire agraire " désigne une réalité plus délicate à définir. En effet, ce cadre institutionnel est largement ignoré dans les textes, occulté par l'institution de la paroisse qui apparaît comme le cadre administratif de référence. De fait, à ma connaissance, aucune source juridique ne définit la teneur de ce ressort territorial. Dans les textes médiévaux et modernes, les termes vagues et ambigus de territorium, " terroir ", se rapportent à cette réalité fuyante. En l'absence d'une dénomination précise, les historiens usent couramment des termes " terroir ", ou encore " finage " pour désigner la zone sur laquelle une communauté d'exploitants exerce un certain contrôle ; comme cet espace est rarement défini et clairement délimité dans les sources (même lorsqu'une distinction avec le territoire paroissial est bien attestée), les études s'étendent peu sur ce problème, en tout cas pas avec toute la précision désirée 1. Face à une situation peu connue et mal documentée, la distinction entre territoire paroissial et terroir d'exploitation est peu nette. Dans quel cadre territorial la communauté paysanne exerce-t-elle ses prérogatives en matière agraire ? Existe-t-il une confusion territoriale des ressorts paroissiaux et agraires ? Nous verrons dans un premier temps que cette confusion territoriale ne correspond sans doute pas à la réalité la plus courante dans les campagnes anciennes : le territoire agraire possède une cohérence assise sur une logique d'exploitation foncière étrangère aux préoccupations religieuses ou fiscales de la paroisse. De fait, les communautés agraires exercent couramment leurs compétences sur des territoires qui ignorent les contraintes paroissiales ; une paroisse peut être morcelée en plusieurs territoires agraires, ou alors être intégrée toute entière, ou en partie, dans un territoire dont l'existence juridique est fondée sur des ententes intercommunautaires.

Territoire paroissial / territoire agraire : des ressorts territoriaux nettement distincts

Dans une large moitié septentrionale de la France, les sources fiscales présentent les individus comme membres d'une communauté paroissiale et habitants d'un lieu (agglomération ou habitat isolé). Dans l'aire méridionale, la force identitaire de la paroisse tend à s'estomper devant le cadre de la seigneurie, le " mandement " dans le Sud-Ouest, le castrum en Languedoc... 2. Face à cette omniprésence de la paroisse ou de la seigneurie, la communauté des exploitants agricoles, détentrice de prérogatives en matière agraire, est rarement citée dans les archives, hormis à l'occasion des conflits autour de la gestion des communaux qui ont livré de nombreux procès-verbaux de délimitation. Il est remarquable de constater que les chartes de franchises, dont la fonction est de fixer par écrit les droits des communautés paysannes, s'abstiennent de délimiter clairement l'espace sur lequel s'exercent les prérogatives de ces communautés. Il résulte de ce silence que, si le problème de la définition du ressort territorial de la communauté agraire se pose, la réponse est loin d'être tranchée. De nombreux historiens considèrent que le cadre paroissial a pu catalyser les premières solidarités 3. Robert Fossier, dans quelques chartes de coutumes picardes et hennuyères, trouve la trace d'une extension des compétences de la communauté aux limites de la paroisse 4 ; les historiens tendent à admettre tacitement une correspondance fréquente entre le territoire paroissial et le territoire agraire, comme le fait par exemple Guy Fourquin pour l'Île-de-France 5. En fait, ce postulat s'accompagne implicitement de l'idée qu'il existe une hiérarchie entre les deux institutions ; l'appartenance à une paroisse, qui comporte une charge identitaire puissante, est supposée primer sur le rattachement à une communauté agraire.

Pourtant, cette confusion territoriale, quoique souvent invoquée, n'est pas un cas de figure automatique. Ainsi, Alain Derville, étudiant l'organisation communautaire des campagnes flamandes à la fin du Moyen Âge sur la base d'une enquête fiscale, recense beaucoup plus de collectes qu'il n'existe de paroisses 6. De nombreuses études montrent, en effet, qu'au sein d'une paroisse peuvent coexister plusieurs communautés agraires. En Hurepoix, par exemple, la paroisse d'Athis comprend, sous l'Ancien Régime, trois communautés nettement distinctes : Athis, Mons et Ablon ; on devine dans le cas présent un découpage du territoire paroissial d'Athis en plusieurs terroirs dépendant de chaque communauté d'exploitants. Tout proche d'Athis et à la même époque, Bruyère-le-Châtel est constitué de treize centres habités, deux communautés agraires (Bruyères et Ollainville), l'ensemble étant intégré dans deux paroisses ; dans ce cas précis, les sources montrent que les limites paroissiales sont débordées par les terroirs agraires de deux communautés d'exploitants 7. Sous l'Ancien Régime, de tels cas sont en fait monnaie courante dans la France méridionale. En Comminges, par exemple, les six villages de Biros géraient au xvie siècle, chacun pour son compte, la répartition et la levée de l'impôt, la communauté ayant à sa tête six consuls 8 ; dans les Landes 9 comme dans les vallées pyrénéennes et alpines, des situations approchantes sont connues. On trouve des exemples similaires pour la période médiévale, tant en France du Nord que dans le Midi. Ainsi en 1217, un acte mentionne la communitas villae de Cottainville, intégrée dans la paroisse de Oinville-Saint-Liphard, en Beauce ; cette paroisse comprend donc au moins deux communautés agraires au début du XIIIe siècle. En Auvergne, comme en Quercy, les " mas " sont dotés d'un finage qui leur est propre ; la coutume d'Auvergne, par exemple, précise que dans le haut pays d'Auvergne, les Combrailles, le duché de Montpensier, la vicomté d'Ambert, " les pâturages sont limités par village (mas) " 10. En Bretagne, pays d'habitat très dispersé, chaque hameau possède couramment un finage. Il arrive que la communauté de l'un de ces hameaux parvienne à hisser au rang de paroisse le territoire qu'elle contrôle, à l'instar du hameau de Vautorte, dans le Maine. En 1210, ce hameau dépendant de l'église paroissiale de Montenay possède une chapelle, puis un chapelain ; en 1217, l'évêque du Mans bénit le cimetière, mais ce n'est qu'en 1225 que la chapelle accède au rang d'église paroissiale 11 ; territoire agraire et territoire paroissial tendent alors à se recouvrir.

Ces cas très divers démontrent que la concordance entre la " communauté de prière " qu'est la communauté paroissiale et la " communauté de labeur " qu'est la communauté agraire n'est pas une nécessité. Il en va de même sur le plan territorial, dans la mesure où la constitution des territoires paroissiaux et agraires est fondée sur deux logiques radicalement différentes. Le territoire paroissial est une circonscription à la fois religieuse et fiscale, tandis que le terroir d'une communauté d'exploitants obéit à la logique de l'exploitation foncière. Pour reprendre une expression judicieuse et éclairante de Monique Bourin, " ce sont les hommes qui vont à la messe, pas les parcelles " 12. Les limites paroissiales déterminent sans ambiguïté le rattachement des fidèles à un centre paroissial en fonction de leur résidence, tandis que le territoire agraire installe des terres dans la sphère de compétence d'une communauté d'exploitants. On trouve ici deux logiques radicalement différentes, qui fondent les natures divergentes de ces ressorts territoriaux.

Cette discussion sur les natures différentes des territoires paroissiaux et agraires peut paraître byzantine ; on pourrait penser qu'une distinction aussi subtile est plus théorique que réelle. En effet, les sources écrites disponibles pour le Moyen Age et la période moderne ignorent largement l'existence des territoires agraires, de telle sorte qu'on pourrait finalement se rallier à l'idée généralement admise que le territoire paroissial servait couramment de cadre institutionnel pour les communautés paysannes, hormis les nombreux cas de conflits de pâturage qui révèlent incidemment une géographie agraire plus subtile. Il est cependant dangereux d'accepter cet argument a silentio sans un examen plus approfondi. S'il est entendu que les archives médiévales et modernes permettent difficilement d'aborder la nature de ces territoires agraires, la documentation contemporaine en offre la possibilité. Si l'on considère que le réseau communal actuel hérite dans ses grandes lignes de l'organisation paroissiale d'Ancien Régime, on peut envisager de retrouver dans les usages locaux des traces de ces territoires agraires, nettement distincts des territoires paroissiaux/communaux. Le code général des collectivités territoriales 13 mentionne l'existence des " sections de commune ", dont l'article L-2411-1 donne la définition suivante :

" Constitue une section de commune toute partie d'une commune qui possède à titre permanent et exclusif des biens ou des droits distincts de ceux de la commune.

La section de commune a une personnalité juridique. "

La plupart du temps, une section de commune correspond à un hameau (ou groupe de hameaux) qui possède un patrimoine qui lui est propre, distinct de celui de la commune, et qui administre ses biens de manière autonome au sein d'une organisation communautaire à laquelle est reconnue une personnalité juridique. Il est essentiel de souligner que ces petites communautés de hameaux possèdent une personnalité juridique, reconnue par les autorités. Biens et droits de la section de commune sont gérés par une commission syndicale dont la constitution, le fonctionnement, les prérogatives et les liens avec la commune sont définis par les articles L. 2411-3, 4, 5, 6, 7, 8 du code des collectivités territoriales. En pratique, les membres de cette commission syndicale (4, 6, 8 ou 10) sont élus parmi les membres éligibles au conseil municipal de la commune de rattachement selon les mêmes règles que les conseillers municipaux des communes de moins de 2 500 habitants ; les électeurs doivent toutefois justifier d'un domicile réel et fixe sur le territoire de la section, ou alors être propriétaires de biens fonciers sis sur le territoire de la section (art. L. 2411-3). Un rapport d'information du sénateur Jean-Paul Amoudry au nom de la mission commune d'information chargée du bilan de la politique de la montagne (annexé au procès-verbal de la séance du 9 octobre 2002) évoque l'origine très ancienne de ces sections de commune, issues des usages locaux, c'est-à-dire du droit coutumier :

" En pratique, une section de commune n'est pas créée par décision de l'autorité publique, mais existe dès qu'est constatée l'existence d'un patrimoine collectif appartenant aux habitants d'une fraction de la commune. Cependant, les habitants d'une section, d'un hameau ou d'un quartier ne peuvent pas décider de créer une section : s'ils achètent en commun des biens, même en déclarant agir au nom de cette communauté, ils en deviennent propriétaires indivis mais aucune section n'existe de ce fait. Ainsi l'existence d'une section communale provient des usages locaux. " 14

En 1999, ce rapport sénatorial estimait à 26 800 le nombre de sections de communes existant en France ; 12 départements en compteraient plus de 1 000 : l'Aveyron, le Cantal, la Charente, la Charente-Maritime, la Corrèze, la Loire, la Haute-Loire, le Lot, la Lozère, le Puy-de-Dôme, le Tarn et la Haute-Vienne. Ce chiffre a sans aucun doute subi une régression considérable depuis le début du XIxe siècle, dans la mesure où les sections de communes sont souvent menacées par la déshérence (faible intérêt manifesté par les membres des sections qui ne se réunissent plus, ou encore désertion des hameaux suite à l'exode rural qui entraîne la dissolution de la section de commune, prévu par l'article L. 2411-12) et la politique de récupération et d'absorption des municipalités ; l'article L. 2411-11 donne en effet la possibilité aux sections de transférer les biens et droits à la commune et de décider leur propre dissolution.

Ces données contemporaines demanderaient à être cartographiées afin d'apprécier plus finement l'ampleur du phénomène dans chaque province ; on observerait alors sans doute des spécificités régionales dont il faudrait rechercher les causes. Toutefois la situation générale actuelle, empreinte indubitablement dégradée d'une réalité d'Ancien Régime fossilisée dans les usages locaux, témoigne de manière éloquente d'une fragmentation courante des espaces paroissiaux en territoires gérés par des communautés agraires, entités autonomes vis-à-vis des communautés paroissiales. L'examen de ces sections de commune, ultimes vestiges des territoires agraires médiévaux et modernes, met en évidence des formes diverses et mouvantes.

Le territoire agraire, une réalité à géométrie variable

Les territoires sur lesquels les communautés paysannes exercent un contrôle prennent des formes très diverses. La trace la plus visible (et la mieux connue) d'une emprise communautaire sur l'espace agraire se retrouve dans le phénomène des " communaux ". S'étendant le plus souvent sur les espaces incultes des terroirs (incultum), ces " usages " correspondent à des zones boisées ou buissonneuses (friches, landes, garrigues...), à des espaces humides ou périodiquement inondables (marécages, prairies alluviales...), ou encore à des lieux difficilement accessibles à cause de contraintes de relief (prairies d'altitude...), ou plus modestement à des fossés et bords de chemins. Soumis durant la période médiévale aux assauts des défrichements et des assèchements, les communaux couvrent des superficies très diverses selon les régions. Les enquêtes menées durant la période moderne 15 (que l'on peut supposer témoigner d'une situation approchante de celle qui prévaut aux XIve-xve siècles) montrent que les " terres vaines et vagues " occupent une portion substantielle des terroirs (plus de 10 %, voire au-delà de 25 % dans les zones montagneuses) dans un secteur qui occupe toute la moitié orientale de la France, des Ardennes au massif pyrénéen, englobant une bonne partie de la Champagne, la Bourgogne, l'Auvergne, le Languedoc et les landes de Gascogne ; dans ces régions, les communautés paysannes exercent leurs prérogatives agraires sur des secteurs très importants du territoire paroissial. Ailleurs, les communaux occupent des espaces restreints, voire résiduels (comme en Beauce), fréquemment éclatés en quelques morceaux plus ou moins modestes au sein du territoire paroissial.

Les prérogatives agraires des communautés paysannes ne sont pas limitées à la gestion des communaux. Les assolements, le pacage des troupeaux (vaine pâture et parcours), la réfection des chemins... suscitent des ententes et des pratiques solidaires qui sortent du cadre restrictif des " communaux ". Dans les paroisses couvrant des superficies très importantes (comme les " plou " de Bretagne), ou encore dans les zones d'habitat fortement dispersé, la division du territoire paroissial en une myriade de petits terroirs d'exploitations s'avère inévitable. La dispersion du peuplement en une multitude de hameaux peut aussi favoriser l'éclatement du territoire paroissial. En Beauce, l'examen conjoint des terriers modernes dressés avec leurs plans en 1696 et des censiers des XIve et xve siècles concernant la châtellenie de Toury permet de comprendre la structure de ces terroirs liés à des hameaux satellites d'un centre paroissial 16. En 1696, la population de la paroisse de Toury (qui couvre environ 1 700 ha) se concentre largement dans le centre paroissial (le village de Toury), mais aussi dans trois hameaux (Boissay, Armonville et Germonville) ; notons qu'au bas Moyen Age le peuplement tourysien connaît une dispersion plus importante encore, avec trois hameaux supplémentaires (Maisons, Le Mesnil et Glatigny) désertés pour des raisons inconnues entre 1471 et 1546. Les déclarations des 380 personnes, groupes de personnes ou institutions qui détiennent les terres de Toury en 1696, livrent une information cartographiable permettant d'analyser précisément les aires de répartition des terres exploitées par les habitants de chaque agglomération. Les cartes 1 et 2 synthétisent les résultats de cette enquête.

Délimitation du terroir agraire de la communauté de Toury selon le critère de la distance.

– En premier lieu, la carte 1 montre que les tenanciers résidant au sein du village de Toury détiennent des exploitations émiettées en une multitude de parcelles dispersées dans le finage. Toutefois, il convient de noter que cette dispersion n'est pas uniforme au sein du territoire paroissial ; les villageois contrôlent l'ensemble des terres environnant le centre paroissial dans un rayon de deux kms seulement, distance au-delà de laquelle la présence des tenanciers résidant dans le centre paroissial se raréfie, voire disparaît complètement au profit de tenanciers horsains, issus des paroisses voisines de Toury. Cette observation met nettement en évidence une inadéquation entre le ressort paroissial et le territoire contrôlé effectivement par les habitants du village de Toury ; les franges périphériques du territoire paroissial sont détenues et exploitées par des personnes résidant dans les paroisses voisines de Tivernon et Chaussy au sud, Saint-Péravy-Epreux et Oinville-Saint-Liphard au nord.

– À l'inverse, la carte 2 montre que chaque hameau de la paroisse de Toury possède un territoire particulier, relativement restreint, au sein duquel les habitants tendent à concentrer leurs acquisitions de terre et leurs activités agricoles ; notons toutefois que ce comportement n'exclut pas, d'une part, l'émiettement parcellaire, d'autre part, dans une certaine mesure, l'appropriation et l'exploitation de terres en dehors de cet espace. C'est à proximité du hameau, à une distance de 1,7/1,8 km, 2 km tout au plus, que ces emblavures sont localisées ; le facteur de la distance apparaît ici, à l'instar des observations faites pour le village, essentiel. On remarque toutefois que le facteur de la hiérarchie des centres de peuplement intervient aussi dans la construction de ces entités territoriales, dans la mesure où les hameaux, dominés par la présence toute proche du centre paroissial, occupent systématiquement une position excentrée par rapport à l'aire de répartition des parcelles qu'ils dominent. Il existe une véritable fracture comportementale entre le village et ses satellites, débouchant de fait sur une sorte de cloisonnement du finage paroissial. Toutefois, ces cloisons ne sont pas étanches, dans la mesure où propriétaires et fermiers du bourg possèdent et exploitent un grand nombre de terres dispersées dans l'ensemble du territoire paroissial de manière homogène. Mais les habitants des hameaux, en concentrant leurs activités dans certains secteurs géographiques, tendent à marquer un territoire particulier au sein de ce territoire paroissial. Aussi, la cartographie de la répartition des tenures et exploitations tend-elle à préciser les perceptions et les mentalités spécifiques, selon le lieu de résidence. Les villageois, en occupant largement l'ensemble de l'espace paroissial (dans un rayon de deux kms environ autour du village), révèlent une perception uniforme et unitaire du territoire communautaire ; ils sont partout chez eux dans un territoire qui intègre les hameaux. A contrario les habitants des hameaux, moins nombreux et satellites du village, montrent une tendance à négliger cette vision uniforme et unitaire du territoire communautaire, pour concentrer les efforts sur une portion seulement de ce territoire communautaire. De l'analyse spatiale des comportements résulte en fin de compte l'impression de l'existence de divisions au sein de la communauté agraire de Toury. Théoriquement unie et unanime, cette communauté semble traversée par des failles. En particulier, les hameaux paraissent constituer des groupes d'intérêt, des petites communautés qui n'ont aucune reconnaissance officielle, mais qui pourtant cherchent à participer activement à la gestion d'un secteur particulier du territoire paroissial. Le terrier de 1546 17 (comme antérieurement les censiers des XIve-xve siècles) met en évidence très nettement le découpage du territoire paroissial en terrouers ; les tenanciers évoquent fréquemment, au cours de leur déclaration, les terrouers de Boissay, d'Armonville et de Germonville (et ceux de Maisons, Le Mesnil et Glatigny dans les terriers bas-médiévaux). Cette notion de terrouer est fondamentale pour la compréhension de l'organisation du territoire agraire de la paroisse de Toury, dans la mesure où elle détermine une gestion non pas communautaire, mais intercommunautaire. En effet, ces circonscriptions tacites, officieuses, organisées autour de chaque hameau de la paroisse de Toury, mettent en évidence l'existence de communautés propres à chaque hameau, qui se confondent officiellement dans celle du village paroissial. Ces communautés apparaissent toutefois étroitement subordonnées à la communauté villageoise.

Aire de répartition des parcelles dépendant des hameaux de Boissay, Armonville et Germonville en 1696.

A un niveau supérieur, le terroir d'exploitation transcende couramment la paroisse dans le cadre d'ententes intercommunautaires liées aux pratiques de dépaissance des troupeaux, comme par exemple la pratique du parcours de clocher à clocher pratiquée en Beauce et réglementée par la coutume d'Orléans :

" En terres vaines roturières, les habitans d'une paroisse peuvent mener pasturer leurs bestes de leur creu, nourriture, pour leur usage, jusques au clocher des paroisses joignans et tenans à eux, synon que les terres soient closes ou fossoyées 18. "

Les coutumes de Vitry-le-François (1509), Châlons (1556) et de Lorraine (1594) précisent : " Là où il n'y a clochers, le vain pâturage s'étend jusqu'à l'endroit du milieu et moitié des villages " 19. Dans la pratique, les ententes intercommunautaires, mises en évidence par ces coutumes, construisent des territoires de pacage qui doublent quasiment la superficie du territoire paroissial, comme le montre la reconstitution du territoire de pacage de la communauté de Toury en Beauce selon la coutume d'Orléans, dont l'usage à Toury est bien attesté dans les sources (carte 3). On retrouve des pratiques similaires dans les vallées montagnardes, où les communautés s'entendent pour la gestion du parcours des troupeaux dans les pâturages d'altitude, à l'instar par exemple des juntes pyrénéennes dont Christian Desplat montre la genèse et le développement 20

A la différence du ressort paroissial qui tend à être précisément délimité, les terroirs se singularisent par leur caractère multiforme et changeant... en un mot, par leur souplesse. En fait, les territoires agraires s'apparentent volontiers à des " aires de chalandise ", des bassins d'attraction sur lesquels des groupes d'exploitants, soudés par des nécessités liées à l'exploitation de la terre, exercent un contrôle par le biais de conventions tacites, parfois énoncées dans des règlements (comme on l'a vu pour les coutumes réglementant le parcours de clocher à clocher), souvent à la suite de conflits liés au pacage des troupeaux. Le terroir résulterait donc d'un équilibre territorial entre des groupes d'habitants, en fonction d'un certain nombre de critères :

– d'abord deux critères géographiques fondamentaux : la distance et la hiérarchie entre les centres de peuplement ;

– un critère juridique et institutionnel : les coutumes en vigueur ;

– un critère agraire : selon l'activité pratiquée (élevage ou agriculture), les exploitants tendent à exercer un contrôle sur un secteur préférentiel où ils concentrent leurs activités. Cette particularité détermine, pour une même communauté, la complexité de cette géographie paysanne, caractérisée par une superposition de territoires différents, se recouvrant partiellement, en fonction de l'activité concernée : c'est ainsi que le secteur emblavé contrôlé par les laboureurs d'une communauté ne correspond pas au territoire de parcours des troupeaux des membres de cette même communauté.

Il résulte de ces caractéristiques que les limites de ces terroirs sont nécessairement floues, fluctuantes, perméables aussi, car la réalité de l'exploitation agricole interdit formellement le cloisonnement de l'espace, à la différence de la réalité paroissiale, dont la vocation est d'encadrer la population.

Le territoire de parcours des troupeaux de Toury (délimité par les clochers des églises paroissiales voisines).

Notes de base de page numériques:

1 D. Pichot, Le Village éclaté. Habitat et société dans les campagnes de l'Ouest au Moyen Age, Rennes, 2002. L'auteur précise que le finage des communautés de hameau couvre une superficie moyenne de 50 à 100 ha, sans livrer de cartographie de ce phénomène. Retour

2 M. Bourin, R. Durand, Vivre au village au Moyen Age. Les solidarités paysannes du XIe au XIIIe siècle, Rennes, 2000 (1984). Retour

3 Cf. A. Chédeville, Chartres et ses campagnes (XIe-XIIIe siècles), Chartres, 1991 (1973), p. 219 sq.Retour

4 R. Fossier, Chartes de coutumes en Picardie (XIe-XIIIe siècles), Paris, 1974, p. 34 : À propos d'un serment de paix collectif en 1111, " comme la cérémonie se déroule dans l'église ou sur le territoire sacré qui l'entoure, l'idée de la paix du village s'identifie à celle de la paroisse ; les libertés ainsi accordées aux paysans, le sont sur le ressort de cette paroisse ; aussi bien plus tard la charte de Prisches définira-t-elle le terroir du village infra terminos pacis [...] ". Retour

5 G. Fourquin, Les Campagnes de la région parisienne à la fin du Moyen Age (du milieu du XIIIe au début du xvie siècle), Paris, 1964, p. 190 : " Telle qu'elle se présentait au XIIIe siècle, la communauté rurale "française" était sans nul doute fortement organisée. Il s'agit d'une contrée d'habitat le plus souvent groupé et très dense en général. La paroisse, ici comme ailleurs, prêtait ses limites à la plupart des communautés, et les confréries – dont l'histoire reste à faire – y étaient très solidement constituées. "Retour

6 A. Derville, " Les paysans du Nord : habitat, habitation, société ", dans Villages et villageois au Moyen Age, Paris, 1992, p. 81-100. Retour

7 J. Jacquard, La Crise rurale en Île-de-France (1550-1670), Paris, 1974, p. 85 sq.Retour

8 R. Souriac, Le Comté de Comminges au milieu du xvie siècle, Paris, 1978, p. 230. Retour

9 A. Zink, Clochers et troupeaux. Les communautés rurales des Landes et du Sud-Ouest avant la Révolution, Bordeaux, 1997. Retour

10 M. Deveze, " Le pâturage au xvie siècle dans la moitié nord de la France d'après les "coutumes" ", Bulletin philologique et historique (jusque 1610) du Comité des travaux historiques et scientifiques, 1, 1969, p. 36. Retour

11 D. Pichot, op. cit., p. 232-233. Retour

12 Séminaire de l'UMR 6575 " Archéologie et territoires " (Tours), 30 juin 2000. Retour

13 J.-J. Bienvenu, Ch. Debouy, J. Moreau et alii, Code général des collectivités territoriales 2005, Paris, 2004. Le texte du Code général des collectivités territoriales est disponible sur Internet à l'adresse suivante : http://moteur-auracom.com/cgi-bin/aurweb.exe/cgct/voir. Retour

14 Rapport d'information du Sénat no 15 (2002-2003), t. 1 – Mission commune d'information. Retour

15 N. Vivier, Propriété collective et identité communale. Les biens communaux en France. 1750-1914, Paris, 1998, p. 32. Retour

16 AD Yvelines. D 1266 et 1267 (Terriers de Toury, 1696), D 1315 et 1316 (censiers de la châtellenie de Toury, 1382, 1446, 1469, 1470 et 1471). Cf. S. Leturcq, En Beauce, de Suger aux Temps modernes. Microhistoire d'un territoire d'openfield. Thèse de doctorat nouveau régime, université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2001. Retour

17 AD Yvelines. D 1264. Retour

18 Coutume rédigée en 1494. Cf. P. Viollet, Le Droit du XIIIe siècle dans les coutumes de Touraine-Anjou et d'Orléanais. Étude historique, Paris, 1881, p. 21. Retour

19 M. Deveze, op. cit., p. 35. Retour

20 Ch. Desplat, La Guerre oubliée. Guerres paysannes dans les Pyrénées (XIIe-XIxe siècles), Biarritz, 1993, p. 86-87. Retour

Université François Rabelais, Tours, UMR 6173 Citères, équipe Archéologie et territoires, BP 60449, 33, allée Ferdinand de Lesseps, 37204 Tours cedex 03

Pour citer cet article : Samuel Leturcq, "Territoires agraires et limites paroissiales", Médiévales, 49 (2005), http://medievales.revues.org/document1300.html



BIENS de SECTION

BREVE HISTOIREHugues de Melin 18 mai 2006

L'histoire des sections de commune commence très probablement avec les débuts de la sédentarisation des tribus de chasseurs cueilleurs nomades du néolithique. De l'usage commun et tribal des ressources du sol et même du sous-sol. Les arrivées successives de conquérants favorisent la création de domaines bâtis par la force sur l'esclavage des utilisateurs précédents.

Ceux-ci reculent les limites de l'espace collectif. Les populations s'accroissent malgré les conflits, et l'espace non défriché, mais libre et cultivable, se réduit encore. Le droit, Romain d'abord, Burgonde puis Franc, se substituant autant que possible à la force, favorise par le jeu des transactions, des successions et des déshérences, un lent et inégal morcellement de la propriété, inévitablement sujette aux droits seigneuriaux, réduisant ainsi le besoin même d'espace collectif. Les espaces restants en friches et les moins cultivables sont néanmoins généralement abandonnés par les propriétaires fonciers petits et grands aux plus pauvres assurant la survie d'un indispensable réservoir de main d'œuvre. Leur nombre augmentant, ils s'organisent en communes suffisamment menaçantes pour imposer à tous par le biais des chartes, le maintient de la tradition d'un usage commun de ces espaces conjointement avec celui de leurs petites parcelles privées. Les législations successives adossées au droit de propriété reconnaîtront avec toutes sortes de restrictions cette propriété collective qui s'identifie aujourd'hui dans les Sections de Communes.

Plus précisément on se rend compte en lisant les chartes de droits d'usage des XI au XIVème siècle que les droits donnés ainsi ne faisaient la plupart du temps qu'entériner une tradition plus anciennement établie mais dangereusement sujette aux fantaisies seigneuriales. Les chartes de donation semblent un peu plus spontanées. Ces deux types de documents marquent l'entrée dans la légalité moderne de cette forme d'usage collectif né souvent du besoin seigneurial d'accroître une main d'œuvre volatile pour rentabiliser des domaines ou pour défendre des places fortes menacées. Parfois elles ont été conquises avec la fourche à la main tandis que certaine furent données par religieuse générosité des donataires. Certains usages se sont même parfois maintenus jusqu'à nos jours sans aucun document d'origine.

L'histoire de ces biens communaux appelés ainsi car communs aux usagers et non pas propriété de communes qui n'existaient pas encore, est marquée par un lent reflux de la propriété collective sous la pression démographique et l'accès de chacun à la propriété. A force de procès et de révoltes, Colbert commence à légiférer à propos de ces biens au moyen de son Ordonnance de 1669 dans laquelle, s'il maintient le droit de triage des Seigneurs (usage réservé du tiers des communaux ) il ordonne aussi le bornage des biens des collectivités, interdit leur aliénation et défend de cette manière les plus pauvres contre la rapacité de leurs voisins. Mais pas contre celle de Louis XIV qui en profite pour leur faire payer quelques impôts légers, le prix du bornage et le salaire du garde des bois ancêtre du garde champêtre.

La situation demeure en l'état jusqu'en 1790 où la création des communes nouvelles pose le problème de la propriété de ces biens. Comment en effet identifier les usages et propriétés exclusifs des groupes d'habitants regroupés ou non constitués en communes. L'idée plus ancienne de la section de paroisse s'impose. C'est ainsi que la Section de Commune naît le 22 Juin 1790 de la division de PARIS en 48 sections, suivie le 10 Juin 1793 par un décret répartissant les biens des anciennes communautés entre communes et sections. L'organe de gestion sectionnal, la commission syndicale, est créée de manière éphémère dès ce moment par jurisprudence. Son fondement légal sera établi plus tard en 1837 tandis qu'elle deviendra permanente en 1985.

C'est aussi le début d'un combat fratricide entre ces deux entités dont les responsabilités n'ont pas été établies clairement, ce qui rouvre la voie des spoliations fermée par Colbert. Ces spoliations deviennent légions depuis les années 1950. La loi existe mais les notaires l'ignorent et bien peu comprennent son mécanisme complexe. Elle met parfois 200 ans pour arriver jusqu'à ceux qu'elle concerne. Entre temps le mal est fait que les lois de 1985 aggravent encore.

Remonter la pente est possible mais les procédures sont interminables et il faut sauver les meubles : c'est ce que la l'Association de Défense des Ayants droit de Sections de Commune essaye de faire aujourd'hui par une tentative de remise à plat de la législation et d'information et de support des ayants droit.